mercredi 25 août 2010

La cotillardisation de la société française

Cette pauvre Marion Cotillard va payer de son nom pour tous les imposteurs qui nous gouvernent !

Avis aux lecteurs : ce billet n'est pas tout-à-fait comme les autres. A l'inverse de mes précédents articles, qui s'attachaient à décrire (à détruire) des phénomènes particuliers, celui-ci a pour objectif de dénoncer de façon générale et catégorique la situation qu'une grande majorité de Français ressent mais ne sait pas définir, faute d'avoir à sa disposition les concepts nécessaires : cette situation que j'appelle la "cotillardisation" des élites françaises, c'est-à-dire le déclin vertigineux de la créativité que l'on retrouve au sommet des milieux culturel, économique, médiatique et bien évidemment politique. Cet article est donc l'occasion pour moi de préciser ce qui jusqu'ici pouvait être pressenti, à savoir, la ligne directrice de ce blog.

Marion Cotillard me paraît le symbole parfait de la crise que traverse notre pays : une crise sournoise qu'on ne perçoit pas très bien.

On ne peut pas dire que Marion Cotillard est une actrice épouvantable - pour s'en persuader, il suffit de revisionner quelques épisodes de La Bicyclette bleue avec Laetitia Casta, qui est un bon exemple d'actrice épouvantable. Marion Cotillard n'est pas une actrice épouvantable, mais elle est une actrice médiocre. Elle n'est pas une très bonne interprète, puisqu'elle transparaît dans la plupart de ses interprétations, à l'exception notable de son rôle d'Edith Piaf dans La Môme d'Olivier Dahan - où Marion Cotillard est maquillée à un point tel qu'on ne peut pas la reconnaître.

Marion Cotillard est plutôt mignonne, mais elle n'est pas particulièrement séduisante. On ne tombe pas amoureux de Marion Cotillard. On n'est pas bouleversé par Marion Cotillard. La plupart du temps on est même indifférent à Marion Cotillard...

Marion Cotillard est niaise : au moment où l'académie des Oscars la récompensait de sa plus haute distinction, Marion Cotillard s'est fendue d'un discours improvisé qu'elle n'aurait jamais prononcé si un instituteur bienveillant lui avait enseigné dès l'école la signification du mot "ridicule". "Thank you New York, thank you Love... some angels above this city"... On croirait du Marc Levy. Marion Cotillard croit aux théories du complot. Elle pense que les attentats du 11 septembre ont été commandés par George W. Bush, et que les autorités françaises ont menti sur la mort de Coluche. Elle n'est pas seule à le penser : Jean-Marie Bigard ne dit pas autre chose. Elle est passionnée de complots, à tel point qu'elle occupe son temps libre en militant pour l'association Greenpeace.

Bref, Marion Cotillard n'est précisément pas quelqu'un de remarquable. Personne n'est ébloui par les contributions de Marion Cotillard à la dramaturgie.

Et pourtant... Marion Cotillard est l'actrice française qui, en ce moment, réussit le mieux. Les Américains l'ont couronnée : elle a remporté l'Oscar de la meilleure actrice, elle est à la tête du blokcbuster de Christopher Nolan Inception, on risque de la voir apparaître souvent sur les écrans de cinéma ces prochaines années - par exemple à l'affiche du film Contagion de Steven Soderbergh. Elle remporte de précieux contrats publicitaires - elle est devenue l'icône de la marque de luxe Dior, en équivalent féminin de Jude Law. Bref, elle est incontournable.

Ceci ne paraît pas équitable. Il fut un temps où les grandes actrices françaises se nommaient : Arletty, Danielle Darrieux, Jeanne Moreau, ou Catherine Deneuve. Quand Catherine Deneuve tournait dans une publicité pour Yves Saint-Laurent, il y a de cela une quinzaine d'années, voici ce que cela donnait... A cette époque, tout porte à croire que les comédiennes ne jouait pas exactement dans la même cour - de [ré]création.

Quels sont les facteurs qui permettent d'expliquer l'incroyable succès d'une actrice pourtant réputée médiocre ? Il est difficile de les déterminer précisément, mais ils semblent comparables, si ce n'est identiques, aux facteurs qui permettent d'expliquer les réussites éditoriales d'écrivains réputés médiocres (Marc Levy, Anna Gavalda, Katherine Pancol, Guillaume Musso, Amélie Nothomb deux coups sur quatre, Frédéric Beigbeider trois coups sur quatre, François Bégaudeau quatre coups sur quatre), les carrières époustouflantes de politiciens réputés médiocres (Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, et tout le reste), la présence médiatique d'intellectuels réputés médiocres (Bernard-Henri Levy, Bernard-Henri Levy, Bernard-Henri Levy, etc.), la célébrité de vedettes dénuées de toute capacité de séduction (Benjamin Castaldi, Massimo Gargia, Michael Vendetta, oh et puis, prenez tout le casting des télés réalités people de TF1), les fortunes de joueurs de football que plus personne ne respecte (Nicolas Anelka, Franck Ribéry, Patrice Evra, etc.), etc., etc., etc.

Notre société est dépourvue de modèles auxquels elle pourrait consentir à s'identifier. Ou bien elle les récupère dans les vitrines du passé (de Gaulle, Hugo, Voltaire, Napoléon, Jaurès), ou bien elle se contente des modèles préfabriqués que l'économie numérique produit à grande échelle, et qui pourtant n'inspirent personne.

Il ne serait pas très difficile de qualifier ce constat de "réactionnaire". Pourtant, je ne doute pas qu'il s'agisse d'un constat partagé par un grand nombre de mes compatriotes dont je sais qu'ils n'aimeraient pas qu'on les qualifie de "réactionnaires". C'est un constat froid, triste, amer. Les gens qui nous gouvernent sont incapables de nous faire rêver. Même quand il s'agit, précisément du rôle qu'ils sont censés interpréter. La thématique du rêve est au coeur du scénario d'Inception, et Marion Cotillard ne convainc pas. Nos élites ne sont pas convaincantes. Nous ne les croyons plus, nous ne les aimons plus, et c'est à peine si nous les tolérons encore.

Les récents événements de l'actualité médiatique tendent à faire croire en un retournement de l'opinion publique : les Français, peu à peu, se tirent de la léthargie dépressive dans laquelle ils marinaient encore, et comment à s'animer. Ils s'emportent contre les déclarations ineptes du président de la République. Ils s'insurgent contre l'attitude de l'équipe de France de football lors du mondial sud-africain. Ils se révoltent contre les institutions bancaires qui n'ont corrigé aucun des dysfonctionnements ayant permis le déclenchement de la crise financière. Ils dénoncent le bouclier fiscal du programme sarkozyste, et l'annonce de la suppression des APL. Et mieux encore, ils rient, ils se moquent, ils tournent en caricature les grotesques personnages que nous impose la scène médiatique française, ces pseudo-Bisounours qui passent le plus clair de leur temps à mijoter des complots ridicules, ou à dénoncer leurs adversaires (simili-PetitPoney) en les traitant de fascistes pour nourrir les buzz continus du site jeanmarcmorandini.com.

Contre la cotillardisation de la société française, la guillotine est en place pour décapiter l'oligarchie des impostures !







dimanche 22 août 2010

Lingua Latina Delenda est ?

La France ose encore débattre de culture. Si cette particularité tourne parfois à l’autosatisfaction, voire à un passéisme nombriliste qui stérilise toute créativité, elle n’en demeure pas moins la rare preuve d’exigence qui permet encore à certain Européens de défendre l’idée de civilisation. Cependant, le respect qu’à la France pour la culture la conduit trop souvent au conservatisme et aux combats d’arrière garde qui aveuglent sur les perspectives de leurs positions nombre d’intellectuels et d’érudits pourtant très bien intentionnés.

Ces dernières semaines, une polémique malheureusement trop discrète anime l’Education nationale. La réforme du concours du CAPES de lettre classique réduira drastiquement le niveau de compétence des futurs certifiés en latin, grec ancien et culture classique en fondant ces trois épreuves distinctes en une seule. Le jury a courageusement démissionné, et publié une tribune qui exprime très brillamment leur position. Bien entendu, le problème n’est pas vraiment dans la réforme de ce concours, mais bien dans la place que latin, grec, et culture classique doivent occuper à l’école, et plus généralement dans notre société.

Il me semble que dans cette affaire, tout le monde se fourvoie. En effet le jury a raison de protester contre cette réforme qui cherche à détruire l’enseignement de la culture classique en catimini, ce qui est tout simplement honteux. Cependant, il a tort, profondément tort, de continuer à vouloir imposer le latin et le grec comme un enseignement fondamental et basique.

Non le latin, et a fortiori le grec, n’ont plus leur place au collège, depuis longtemps. L’école française est extrêmement ambitieuse et généreuse, c’est tout à son honneur. Mais elle a demandé et demande trop aux élèves. Les programmes français veulent tout embrasser, tout apporter au plus grand nombre, et échoue dans les faits à transmettre à la majorité des enfants les bases indispensables à une telle ambition. La conséquence est bien connue : pour un budget colossal, le niveau moyen des élèves est certes bon, mais en deca des objectifs assignés. Surtout, beaucoup trop d’élèves sortent sans qualification, ayant échoué à maitriser la langue française et les méthodes de travail essentielles. En revanche, les élites scolaires, celles qui ont été capables de jouir pleinement des ambitions généreuses de l’école ont un niveau exceptionnel de culture général –bien que malheureusement, la culture générale, fierté latine, ne soit reconnue par aucun classement international, arme saxonne…

Bien entendu, il y a plusieurs explications à ce décalage dramatique entre l’ambition républicaine légitime et les résultats obtenus. Mais la surcharge des programmes en fait partie. Déjà, les élèves qui choisissent le latin et le grec doivent avoir cours à des horaires iniques, au déjeuner ou tard le soir. Il ne s'agit pas seulement d'une manipulation cruelle du rectorat pour réduire les vocations –ca l’est parfois certes- mais souvent qu’il n’y a tout simplement plus d’autres horaires disponibles !

Le collège unique, qui réunit presque tous les jeunes Français doit être le lieu de l’apprentissage des savoirs basiques et fondamentaux. L’élève moyen n’a tout simplement plus le temps, et je suis désolé d’insister sur cette triviale simplicité, d’apprendre une langue morte dont la connaissance fait désormais partie de l’érudition, non pas du bagage ordinaire de l'honnête collégien. Dans la tribune dont je parlais initialement, les promoteurs du latin –et je ne parle pas du Grec ancien- peinent d’ailleurs à trouver des arguments en leur faveur : connaitre l’étymologie d’un mot dans les différentes langues européennes ? Encore faudrait-il d’abord les maitriser ! Savoir pourquoi on emploie un Alpha dans une formule mathématique ? De qui se moque-ton ?

Reste la connaissance de la culture classique. Sauf qu’aucun élève n’étudie la culture classique au collège, tout au mieux a-t-on un ou deux cours de mythologie et de civilisation. Une fois encore la raison en est fort simple : les enseignants n’ont pas le temps de faire apprendre une langue au demeurant extrêmement compliquée –car elle demande de connaitre avant parfaitement la grammaire, or en 5eme…- qui ne laisse aucun temps aux « loisirs » mythologiques. J’ai moi-même fait 9années de latin, et j’en suis très heureux au final, mais le temps passé à étudier la culture classique a représenté une partie néglgeable des cours. Par ailleurs, les textes classiques sont d’un abord difficile et nécessitent déjà de bonnes connaissances historiques. Mieux vaut donc renforcer une première approche de la culture classique à travers l’histoire, le français mais aussi les sciences, la musique, le sport et les arts plastiques qu’il faut extraordinairement renforcer au collège.

La place du latin –le grec est renvoyé aux calendes universitaires- est donc bien au lycée, dans un cursus adressé à des élèves qui auront les moyens de bien profiter d’une précieuse culture classique.

Bien entendu, moins d’élèves auront, au cours de leur cursus fait du Latin. Mais je défends volontairement une approche qualitative. La systématisation du saupoudrage depuis quarante ans n’a eu d’autre effet que de noyer les élèves dans un magma indéchiffrable. Aujourd’hui, il y a plus d’élèves qui suivent des cours creux de latin au collège que de vrais latinistes, et l’essentiel de l’effectif se contente de réciter par cœur des textes prémâchés par leurs professeurs le jour du bac ; cela n’a aucun sens. Le latin, comme toute connaissance, n’a d’utilité que si on atteint un certain pallier en dessous duquel ce n’est que du temps perdu. Gâcher des heures de travail pour, au sortir de sa scolarité, vaguement se souvenir de la première déclinaison n’a aucun intérêt.

A la lecture de ce billet, vous pourrez vous étonner de mon propos de départ, qui semblait soutenir le jury démissionnaire. Pourtant, cela s’avère la conclusion de mon raisonnement qualitatif. S’il ne sert à rien qu’un gamin de 12 ans perde son temps à réciter « rosa rosa rosam », il est absolument indispensable que son professeur de Français lui, le sache ! Il faut cesser urgemment la politique délétère qui consiste à systématiquement abaisser le niveau d’exigence universitaire. Si le collège doit être le lieu d’un enseignement rigoureux mais raisonnable, l’université doit redevenir un lieu d’excellence, et les professeurs des représentants de cette formation d’excellence. Commenter une page de manuel scolaire, ou réciter la catéchèse du bon fonctionnaire, soient les deux nouvelles épreuves qui remplaceront le Grec et le commentaire d’œuvre classique, sont tout bonnement pathétiques.

Défendre le latin donc, mais en lui redonnant une vraie place au bon moment, non en cherchant à préserver un modèle qui d’année en année révèle son absurdité, quitte à emporter toute la culture classique dans sa chute.
Qui trop embrasse mal étreint.

vendredi 13 août 2010

Sondages et manipulations


"L'opinion publique n'existe pas", disait déjà Pierre Bourdieu dans un brillant article paru dans Les Temps modernes en 1973, dont je vous recommande la lecture - je prête mon édition des Questions de sociologie à qui veut. Le sociologue y dénonçait comme autant d'impostures les trois hypothèses fondamentales sur lesquelles s'appuient, de façon générale et pour obtenir leurs résultats, les sondages d'opinion - à savoir :
1. tout le monde peut avoir une opinion,
2. toutes les opinions se valent,
3. il y a toujours un accord sur les questions qui méritent d'être posées.

Il n'est pas nécessaire de creuser profond dans l'humus ratissé des enquêtes de terrain pour se convaincre du fait que la plupart de nos concitoyens sont sans opinion sur un grand nombre de questions - en particulier celles qui ne les concernent pas directement en tant qu'individus ou membres d'un groupe social déterminé - qu'un militant politique, qu'un expert politique et qu'un simple électeur émettent des opinions qui ne sont pas conditionnées par des facteurs équivalents, et qu'enfin, la hiérarchie des problèmes politiques varie nécessairement en fonction du groupe social considéré.

Et Bourdieu d'ajouter que toutes ces considérations font sens dès lors qu'on prend la peine d'observer le phénomène suivant : "les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; (...) l'opinion publique est un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions, et qu'il n'est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage".

Le récent sondage IFOP et publié par Le Figaro le 6 août dernier sous l'intitulé : "les annonces de la majorité plébiscitées", aurait offert un objet d'études magnifique à l'ancien titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France.

Ce sondage a surpris tout le monde, et pour cause. Alors que depuis quelques semaines, Facebook et tous les blogs nous annoncent qu'ils redoutent la réintroduction prochaine du bagne et des chambres à gaz, qu'une écrasante majorité de journalistes hurlent à l'indécence et que la cote du président de la République se maintient à un taux dramatiquement bas, La Pravd.. pardon Le Figaro nous annonce que les Français sont très majoritairement d'accord avec les dernières mesures sécuritaires annoncées par Nicolas Sarkozy, en s'appuyant sur un sondage administré sur Internet par la société de Madame Parisot. "Et toc ! Un beau pied de nez à ces sales bobos de gauche !", devait-on s'écrier dans les couloirs de la rédaction.

Depuis, de nombreux articles ont été publiés pour démontrer que ce sondage n'avait rien de sérieux. Ces articles ont notamment souligné les faits suivants :
- pour des raisons liées à des critères de représentativité, normalement, on ne fait pas paraître de sondages au moment des grandes vacances, puisque de très nombreux enquêtés sont injoignables durant cette période. A moins d'aller bronzer sur des plages couvertes par un réseau Wifi..
- il s'agit d'un sondage administré sur internet. Or les sondages administrés sur internet sont réputés pour être moins fiables que ceux administrés par téléphone, pour ce que l'enquêté aura tendance à survoler les questions qu'on lui soumet, tandis que les erreurs de clics sont plus fréquentes que les lapsus,
- la catégorie des "sans opinion" n'est pas prise en compte. Or, imaginons la chose suivante : sur 1000 personnes, 900 ne répondent pas parce qu'ils ne voient pas ce qu'ils pourraient répondre à la question qui leur est posée, 80 répondent oui, 20 répondent non. Donc ça donne : 80% des Français sont d'accord avec Nicolas Sarkozy ! En l'occurrence, je ne sais pas si les sondés ont tous répondu quelque chose, ou s'il y a des sondés qui n'ont rien répondu et qui n'ont pas été pris en compte. Je ne le sais pas puisque dans sa partie "méthodologie" la feuille de résultats produite par l'IFOP ne le précise pas.
- enfin, et c'est sûrement le plus consternant, les questions sont particulièrement mal posées.

La phrase d'introduction du sondage, déjà, pose un certain nombre de problèmes. Voici ce qu'elle nous dit : "Le gouvernement français a annoncé différentes mesures pour lutter contre l'insécurité. Pour chacune de ces mesures, dites-nous si vous êtes très favorables, plutôt favorables, plutôt opposés ou très opposés".
* 1ère remarque : et si je m'en cogne de la mesure en question ? Si j'estime que cette mesure n'est pas intéressante ? Si je crois qu'elle n'aura aucun effet efficace dès lors qu'il s'agit de "lutter contre l'insécurité" ? Je réponds quoi ? Et bien je suis coincé je dois répondre quand même. On en vient au constat de Pierre Bourdieu : d'après les instituts de sondage, tout le monde est tenu d'avoir un avis. Et un avis tranché. C'est oui ou non. Point. Sinon tant pis pour vous, vous n'apparaîtrez pas dans le sondage. Non mais. "Sans opinion", "vote blanc" : attitudes de lâches ! Raisonnez binaire amis citoyens !
* 2e remarque : on nous parle de mesures "pour lutter contre l'insécurité". Cette formulation introduit déjà un biais, que j'avais sous-entendu dans ma 1ère remarque : on présuppose que chacune de ces mesures a nécessairement un effet efficace sur l'insécurité. Or, est-ce vraiment le cas ? Le fait de retirer sa nationalité à un hystérique polygame qui pratique l'excision va t-il provoquer un effondrement imminent et conséquent du trafic de stupéfiants dans les collèges de Seine-St-Denis ? Il est très douteux que les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy auront un effet efficace pour lutter contre l'insécurité, mais qu'à cela ne tienne, pour l'IFOP, cette mesure fait partie du paquet "INSECURITE", donc elle a comme-de-bien-entendu un effet sur l'insécurité.
*3e remarque : le décor étant planté, le sondé est mis en condition. Il sait qu'on va l'interroger sur des sujets graves, puisqu'on lui parle de mesures qui vise à lutter contre l'insécurité. On ne lui demande pas s'il pense que l'action du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité est ou non efficace. On lui demande s'il est d'accord avec des mesures qui visent à faire baisser la délinquance. Et la taille du biais s'élargit...

Elle s'élargit et croit de façon vertigineuse lorsqu'on lit la liste des mesures qui font toutes partie d'un même "paquet insécurité".

1. "le contrôle par bracelet électronique des délinquants multirécidivistes pendant plusieurs années après la fin de leur peine". 89% des gens sont d'accord. Evidemment. On nous parle de déliquants "MULTIRECIDIVISTES", donc des sales cons, pendant plusieurs années (on ne sait pas combien...), qui vont devoir porter un petit bracelet. Bon si ça peut aider la police pour lutter contre l'insécurité, moi je dis oui, ça n'a pas l'air bien méchant. Et TOC ! C'est ce qu'on appelle de la création artificielle de sarkozystes à moindre frais !

2. "le retrait de la nationalité française aux ressortissants d'origine étrangère coupables de polygamie ou d'incitation à l'excision" : plus subtil. Enfin... qu'est ce qu'un "ressortissant d'origine étrangère" ? Est-ce la même chose qu'une "personne d'origine étrangère" ? Qu'un "Français naturalisé" ? On ne sait pas. Personnellement, je n'aurais pas répondu à cette question, parce qu'elle ne veut rien dire. Mais toujours est-il qu'on nous parle ici de quelqu'un de "coupable". Donc encore un sale con. Bon lui retirer sa nationalité à ce type qui vient de l'étranger (depuis combien de temps ? avec ou sans ses parents ?... on ne saura pas) c'est quand même la moindre des choses. L'excision est une barbarie et la polygamie est inacceptable. Un coupable doit être puni. Et TOC ! Un nouveau sarkozyste !

3. "l'instauration d'une peine incompressible de 30 ans de prison pour les assassins de policiers et de gendarmes" : la place d'un "assassin" est en prison ! C'est affreux un assassin, c'est méchant et calculateur. Et ça s'en prend aux policiers et aux gendarmes qui sont les garants de l'ordre public. 30 ans c'est une peine juste pour des assassins. On ne va pas laisser des assassins en liberté. Allez, ok, je signe pour. Et TOC ! Un nouveau sarkozyste créé à partir d'une question en apparence anodine mais formulée sans tenir compte aucun du principe de "présomption d'innocence" - peut-être d'ailleurs que ce principe ne vaut plus, à en croire Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy qui ont fait de Liès Hebbadj un "présumé coupable" et des prévenus dans l'affaire Clearstream des "coupables" tout court.

4. "le démantèlement des camps illégaux de Roms" : question grotesque, qui revient à demander la chose suivante : "êtes-vous d'accord pour qu'on applique une loi qui existe déjà ?" puisqu'on nous parle de camps illégaux. 79% de oui. What a surprise. Enfin... la vraie surprise c'est qu'il n'y ait pas 100% de oui !

5. "le retrait de la nationalité française pour les délinquants d'origine étrangère en cas d'atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme" : cette proposition emporte nettement moins d'adhésion. 70%. Ce chiffre est encore très important, mais cette question, ainsi qu'elle est formulée, ressemble à s'y méprendre à une synthèse entre les questions 2 et 3 : entre temps, les "ressortissants" sont devenus des "délinquants", ce qui est toujours moins effrayant que des "assassins". Bref, supposons que j'ai déjà répondu que j'étais favorable aux propositions 2 et 3. Si je reste cohérent, je suis également favorable à la proposition 5. Et même remarque que pour la question 2 : qu'est-ce que c'est que ça un "délinquant d'origine étrangère" ? J'ai une arrière grand-mère espagnole, si je vole un café à la cantoche de mon université, est-ce que je suis un délinquant d'origine étrangère ? Que Nicolas Sarkozy raconte n'importe quoi à la télévision est consternant, que l'IFOP reprenne telles quelles les formulations hasardeuses du président de la République est deux fois plus consternant . Je n'ose imaginer ce que cela aurait pu donner si Ségolène Royale avait été élue... "Dans la vie, faites-vous souvent preuve de bravitude ?", "Pensez-vous que les femmes travaillant pour la Police nationale doivent être raccompagnées chez elles tous les soirs par un homme de leur commissariat ?", "Souhaitez-vous que Nicolas Sarkozy écrive une lettre d'excuses digne de son nom à José Luis Zapatero pour avoir dit de lui, pendant la récréation, qu'il était con ?", etc.

6. "la mise en place de 60 000 caméras de vidéo de surveillance d'ici à 2012" : personnellement, avant ce sondage, je n'avais pas entendu parler de cette proposition. 60 000 caméras soit, mais réparties de quelle façon ? Filmant pendant combien de temps ? Cette proposition ne m'évoque pas grand-chose, mais j'imagine qu'elle vise elle aussi à "lutter contre l'insécurité", donc pourquoi pas. Et TOC je retombe dans le panneau.

7. "la condamnation à deux ans de prison pour les parents de mineurs délinquants en cas de non respect par ces derniers des injonctions de la justice (interdiction de fréquenter certains lieux ou personnes suite à leur condamnation" : question alambiquée, qui n'a recueilli que 55% de l'approbation des sondés. Evidemment, puisque c'est la plus choquante. Reste qu'une majorité de Français y seraient favorables, d'après l'IFOP. Changeons "prison" par "prison ferme", enlevons "délinquants" et "injonctions", et je parie que ce chiffre s'effondre encore un peu plus...

Bref, mal introduit, mal conçu, biaisé, le questionnaire de l'IFOP paru en plein été quelques jours à peine après les déclarations polémiques de Nicolas Sarkozy n'a pas d'autre intérêt, pour Le Figaro, que de servir d'arme de seconde main dans une guerre des sondages où la cote de popularité du président de la République est à l'étiage depuis près d'un an.

Il aurait été amusant que les rédacteurs de l'IFOP ajoutent une dernière proposition, formulée de la sorte : "pensez-vous que les mesures que nous avons évoquées seront efficaces pour réduire de façon significative l'insécurité". Par intuition, j'imagine qu'une majorité très importante se serait prononcée de façon négative. Ce qui serait la preuve qu'un sondage n'est pas un objet scientifique d'observation politique, mais bel et bien un instrument de pouvoir aux mains des médias pour tenter de faire croire à l'existence d'une opinion publique qu'ils créent de toutes pièces.





mardi 10 août 2010

Bruno Roger-Petit : un bloggeur de mauvaise foi


Ce n'est pas la première fois que je souhaite dire tout le mal que je pense des billets que publie sur le site du Post un soi-disant journaliste nommé Bruno Roger-Petit. Il prêche d'ordinaire une sorte de credo anti-zemmourien, ce qui, à mon sens, revient à accorder un peu trop d'importance aux dires et propos d'un trublion médiatique qui n'est pas un penseur.

Tel n'est pas tout-à-fait le cas d'une journaliste que j'apprécie beaucoup pour la fraîcheur des articles qu'elle fait paraître sur le site Causeur.fr - dont on pourra dire tout ce que l'on voudra, mais dont le mérite incontestable est de proposer la lecture de tribunes d'opinion, et non de sermons bien-pensants - qui s'appelle Elisabeth Levy. J'aime beaucoup Elisabeth Levy. Je vous invite à visionner la vidéo suivante. Ce qu'elle dit de sa bibliothèque me plaît : elle y décrit une passion intime et personnelle pour la lecture, qui n'a rien à voir avec ces manières de vénération ridicules qui caractérisent, de façon générale, les bibliolâtres du boulevard Saint-Germain.

Bref, ce petit détour pour en venir au fond de mon message : Bruno Roger-Petit s'est attaqué récemment de façon grotesque à Elisabeth Levy, en essayant une fois de plus de la faire passer pour la raciste islamophobe qu'elle n'est pas, s'appuyant pour ce faire sur une réaction indignée et légitime de la journaliste à des propos stupides tenus par feu le Haut-commissaire aux solidarités actives Martin Hirsch, dont je vous livre la teneur : "la vraie intégration, c'est quand des catholiques appelleront leur enfant Mohammed"(1er juillet 2010, Canal +).

Ces déclarations, de la part de celui que l'abbé Pierre avait choisi pour successeur, sont proprement surprenantes en ceci que M. Hirsch nous démontre qu'il ne s'y connaît visiblement pas du tout en matière de religion - ou alors qu'il est une gourde, hypothèse à laquelle je ne crois pas. S'il est bien une chose qui importe aux catholiques dans le choix du prénom de leurs enfants, c'est de rattacher ce prénom à celui d'un saint reconnu par l'Eglise, qui devient dès lors la figure tutélaire censée inspirer l'âme et l'esprit du nouveau baptisé. D'où bien souvent la réception de faire-parts surprenants nous annonçant la naissance d'un "Calixte", d'un "Hilaire" ou d'une "Bertille". A ce que je sache, Mohammed, le prophète fondateur de l'Islam, n'est pas un saint reconnu par les institutions officielles de l'Eglise catholique. Il n'y a pas de représentation en marbre de Mohammed à Saint-Pierre de Rome (ce qui par ailleurs serait très dangereux, puisqu'on ne peut pas représenter le Prophète). Et je ne me suis pas renseigné, mais je doute que Mohammed fasse en ce moment l'objet d'un procès en canonisation.
Bref, que des catholiques appellent leurs enfants Mohammed, à mon avis, ne démontrera pas la réussite d'un projet de "vraie intégration" (à ce propos, qu'est ce que c'est que cette histoire de vraie / fausse intégration ? cela signifierait-il que nous subirions en ce moment les effets d'une fausse intégration ? Fadela Amara, Rama Yade, Rachida Dati, Yazid Sebeg sont-ils de faux intégrés ? leur nomination au sein du gouvernement relevait-elle de l'arnaque ? je n'ose y croire...) - elle démontrera plutôt que le catholicisme aura sombré dans une sorte d'irénisme du n'importe-quoi... ce qui, au fond, n'est pas totalement invraisemblable et risque bien de se produire.

Elisabeth Levy, pour sa part, mitraille les déclarations de M. Hirsch sous un angle de tir légèrement différent. Ce qui la choque essentiellement, ce n'est pas tant le contenu de la phrase dont j'ai fait mention que ce qu'elle sous-entend, à savoir, qu'il n'y a d'intégration possible qu'à partir du moment où les Français "de souche" (qui s'appellent les "catholiques" d'après M. Hirsch, au grand mépris tout à la fois du principe fondamental de laïcité, et en même temps des athées, des agnostiques, des protestants, des juifs et même des musulmans qui vivent en France depuis des générations...) auront adopté les us et les coutumes des immigrés venus s'installer - de plein droit - sur le territoire républicain. C'est pour Elisabeth Levy une inversion du processus d'acculturation nécessaire au maintien de la cohésion sociale, qui relève chez un grand serviteur de l'Etat passé par l'Ecole Normale Supérieure et l'ENA d'une étrange conception de la tradition républicaine.

On peut discuter du point de vue d'Elisabeth Levy, mais on ne peut pas le faire à la manière de Bruno Roger-Petit, dont les méthodes suintent à grosses gouttes une mauvaise foi des plus dérangeantes (ce qui, en matière de religion, ne manque pas de piquant).

Dans ce qu'écrit Bruno Roger-Petit, tout irrite, à commencer par le titre même de son article : "Quand Elisabeth Levy veut interdire aux catholiques d'appeler leur enfant Mohammed". Si Elisabeth Levy avait défendu cette position de censure, comme bon nombre d'internautes, j'aurais été scandalisé. Le choix du prénom des enfants relève de la libre appréciation des parents, catholiques ou non, à la condition que celui-ci ne constitue pas une nuisance au devenir social des rejetons (il me semble ainsi que le préfet de je ne sais plus quel coin avait censuré le prénom "Assedic" ou "Assédique", j'ignore l'orthographe retenue).

Le problème, c'est qu'Elisabeth Levy n'a jamais défendu cette position de censure. Elle n'a jamais souhaité interdire aux catholiques d'appeler leur enfant Mohammed, elle a simplement émis l'opinion - à mon sens tout à fait légitime - que Martin Hirsch racontait n'importe quoi, et qu'il y avait des sous-entendus consternants dans les déclarations de l'ancien Haut-commissaire.

Bruno Roger-Petit, pour ce qui le concerne, considère tout au contraire que les propos de Martin Hirsch viennent frapper "comme-de-bien-entendu" au coin du bon sens : "Pour tout personne sensée vivant dans une France républicaine, laïque, l'interprétation des propos de l'ex-Haut commissaire aux Solidarités actives (sic) coule de source. Il arrivera un jour, où, conformément à son histoire à sa tradition, la France aura réussi à intégrer les descendants de la vague d'immigration venue des pays du Maghreb. Et cet inéluctable moment venu, oui, des catholiques appelleront leurs enfants Mohamed. Naturellement. Pour la beauté du prénom. De la même façon qu'ils pourraient l'appeler Michel, Georges, Pouriah, Cuong, Youri, Jean, Toshiro, Adam, Ramsès etc." nous dit-il, sans tenir aucun compte du poids cultuel et culturel respectif de chacun des prénoms qu'il mentionne. Et vous noterez qu'à l'instar d'un Christian Vanneste, quand Bruno Roger-Petit cherche à démontrer la véracité de propositions invraisemblables, il recourt à ce fameux "théorème de l'évidence" auquel je faisais référence dans un précédent billet : "coule de source", "naturellement", etc. - j'entends déjà le doux écho des "Evidemment ! Evidemment !" qui vient me chatouiller les oreilles...

Il faudrait rappeler à M. Roger-Petit qu'il n'est pas neutre de prénommer son enfant "Mohammed", "Moïse" ou "Christian", que chacun de ces trois prénoms sont religieusement connotés, et par là même sources de tensions. On ne choisit certainement pas d'appeler son enfant "Mohammed" ou "Jésus" pour la seule "beauté" (en l'occurrence contestable) du prénom, mais on fait là acte de foi. Sauf si l'on n'est doté d'aucune culture et d'aucune mémoire, phénomène qui, je le concède, n'est pas rare - mais qui n'est pas non plus réjouissant...

La suite de l'article confine au délire paranoïaque : comme bon nombre de journalistes qui rêvent d'entrer en Résistance clandestine sur facebook et qui s'insurgent contre une menace fasciste qui n'existe plus depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, Bruno Roger-Petit traque l'Islamophobe Raciste avec un acharnement aveugle - qui fait qu'il finit par le trouver aux endroits où celui-ci ne se trouve pas du tout.

Citation : "s
i l'on suit bien Elisabeth Levy, appeler un enfant Mohamed c'est comme porter une burqa dans la rue. C'est une exhibition religieuse qui est, de son point de vue, insupportable, intolérable, inconcevable dans l'espace public ! Malheur à tous ceux qui portent le prénom de Mohamed, ce prénom par nature synonyme de guerre de religion, conflit de civilisations, ils sont les enfants des nouveaux envahisseurs. Elisabeth Levy les a vus, elle, une nuit où elle s'était égarée en cherchant un raccourci vers la France de 1789 qu'elle ne trouva jamais. Elle sait que le cauchemar a déjà commencé. Que faut-il faire alors ? Légiférer pour interdire à tout porteur du prénom Mohamed de sortir dans l'espace public car celui-ci est incompatible avec la France rêvée de madame Lévy ? Et édicter des peines de prison pour tous les Mohamed qui oseront exhiber dans l'espace public leur insupportable prénom qui "mine la république" ?".

Pour avoir écouté l'interview d'Elisabeth Levy à laquelle Bruno Roger-Petit fait référence, je peux vous garantir et vous assurer qu'à AUCUN moment elle ne tient les propos , ne suggère les propositions et ne file les métaphores tel que rapporté par Bruno Roger-Petit. Il invente à peu de choses près tout ce qu'il décrit. C'est que Bruno Roger-Petit est victime d'une illusion cauchemardesque qui, à en croire ce qu'on peut lire un peu partout sur la toile, frappe un grand nombre de nos concitoyens : il semble persuadé que le Parti raciste a pris possession du gouvernement français, et que les populations immigrées en provenance des terres d'Islam (celles-ci seulement d'ailleurs, va savoir pourquoi...) sont gravement menacées par toute une série de mesures fictives auxquelles nul n'a jamais songé, et qui ne vont pas sans rappeler "les pires heures de l'histoire de France" (lesquelles ? celles de la France de Vichy ? de la nuit de la Saint-Barthélémy ? des tranchées de Verdun ? élisez ce que vous voudrez, il suffit de choisir un événement qui se rapporte à quelque chose de particulièrement horrible, et vous comprendrez tout l'effroi que ne manque pas de susciter à "toute personne sensée" "comme-de-bien-entendu" l'épouvantable figure de Nicolas Sark... pardon, de Celui-dont-on-ne-doit-pas-prononcer-le-nom).

Bruno Roger-Petit, pour nous persuader qu'il a raison, tente de nous démontrer par ailleurs que contrairement à Elisabeth Levy qui est méchante, raciste et islamophobe, il est de son côté une personne très gentille. Ce qu'il prouve en nous racontant qu'il a des amis très gentils qui forment un couple mixte et qui ont appelé leur enfant Mohammed. Pauvre petit Mohammed. Vivre dans la France d'Elisabeth Levy, qui n'est pas d'accord avec Martin Hirsch qui est quelqu'un de particulièrement lucide et gentil, c'est une épreuve de tous les jours ! D'autant plus que le pire est encore à redouter, comme le souligne Roger-Petit : "La seule peur des parents du petit Mohamed que je connais (et des autres aussi, croyez-moi), c'est qu'un jour, grâce au gouvernement actuel et ses relais médiatiques, cet enfant devenu grand soit considéré comme un Français pas vraiment français à cause de la couleur de sa peau et/ou de son origine géographique. Et mieux encore, parce qu'ils sont Français, républicains et catholiques, rien ne les révoltent plus que les propos d'Elisabeth Levy, l'idiote utile radiophonique du sarkozysme, parce que de leur point de vue, ce qu'elle dit n'est ni catholique, ni républicain, ni français, mais tout simplement inhumain, tribal et effrayant."

"Inhumain, tribal et effrayant"... Rien que ça. Des accusations légères et nuancées, une finesse rhétorique incontestable. Et puis toujours ce fameux théorème de l'évidence : les déclarations d'Elisabeth Levy sont "tout simplement", "naturellement", "comme-de-bien-entendu" dangereuses, racistes, islamophobes, etc. Et vous noterez que le plus infâme est encore dans des considérations qui ne sont pas du tout celles d'Elisabeth Levy mais auxquelles, comme-de-bien-entendu, sa pensée la rattache.

Au fond, ce qui me choque, c'est moins la fadeur et l'insipidité de ses propos que les procédés de ce "branquignole" de Bruno Roger-Petit, qui compose des histoires effrayantes inventées de toutes pièces pour mieux s'en dissocier par la suite, à la manière d'un Frankenstein malhonnête qui, pointant du doigt la forme monstrueuse à laquelle il vient de donner vie déclare : "Regardez comme elle est moche la créature d'Elisabeth Levy !".

Le terme de "branquignole" n'est pas le mien. Il n'est pas non plus celui d'Elisabeth Levy. Il est celui de quelqu'un qu'on ne peut certainement pas suspecter d'accointance avec la droite sarkozyste puisqu'il est celui de Didier Porte, dont je vous laisse savourer la chronique... :http://www.leblogtvnews.com/article-didier-porte-demontage-de-gueules-bruno-roger-petit-sur-le-post--43443474.html








lundi 2 août 2010

L'imposteur de Tourcoing (2)


Suite du billet que j'ai publié hier...

Reprenons les conclusions auxquelles nous étions parvenus : Christian Vanneste est un militant catholique faisant mine de tenir des raisonnements kantiens qui ne tiennent pas la route. L'essentiel de ses convictions proviennent d'interprétations théologiques d'un Livre en deux tomes rédigé par différents auteurs, en différentes langues, à différents moments de l'histoire. Il a droit néanmoins, comme tout citoyen français, d'exprimer les convictions qui lui sont chères, aussi stupides qu'elles puissent paraître.

Accusé par un certain nombre d'associations homosexuelles, Christian Vanneste a dénoncé l'existence d'un lobby gay qui d'après lui complote en secret contre l'exercice de la liberté d'expression. A la fin de l'interview accordée à Karl Zéro à laquelle je faisais référence, il tenait les propos suivants : "pour moi il n'y a pas de communautés. Je déteste ce mot. Il y a une seule communauté en France, c'est la Nation". Voilà une déclaration qui, de la part d'un catholique qui ne cache pas ses convictions religieuses, me paraît bien surprenante. L'Eglise ne forme t-elle pas une "communauté" qui dépasse les critères de l'appartenance nationale ? La "communauté des chrétiens" est-elle une chimère à laquelle il nous faut désormais renoncer ? Christian Vanneste est-il un libre penseur protestant qui s'ignore ? Etonnant, vous dis-je.... D'autant plus que la notion de "tensions communautaires" est devenue l'une des tartes à la crème les plus communément cuisinées par le journalisme politique contemporain. Il est question tout le temps, partout des clivages qui découpent et morcellent le territoire républicain, séparant d'un côté les Français musulmans, de l'autre les Juifs français, de l'autre encore les cathos-qui-sont-là-depuis-toujours, et puis ici des militants LGBT, et là encore des cercles financiers, et par ici de la France rurale, etc. Mais pour Christian Vanneste, ce genre de considérations ne fait aucun sens.

Il poursuit : "je refuse absolument l'idée qu'il y ait des communautés qui en plus sont liées à des associations qui prétendent les représenter". Là c'est encore plus fort. Admettons que la notion de "communauté" soit contestable : il s'agit d'un terme abstrait, dont on peut discuter des contours et de la portée. Tel n'est certainement pas le cas des "associations" : elles sont des réalités, elles disposent d'un statut, d'un budget, de membres qui ne sont tout de même pas des personnages de fiction ! Il y a en France de fort nombreuses associations qui représentent telle ou telle "communauté" : associations LGBT, certes, mais encore associations de quartier, associations régionales, associations culturelles, et surtout, associations confessionnelles ! Et rappelons ce fait avéré que Christian Vanneste conteste sans même qu'il soit capable de s'en rendre compte : il appartient lui-même à une communauté religieuse (l'Eglise catholique), qui est représentée par un certain nombre d'associations, comme par exemple la Fédération nationale des associations familiales catholiques, dont l'existence et le rôle ne sont pas du tout contestés par Christian Vanneste, puisqu'il y fait référence sur son propre blog afin de démontrer qu'il représente les intérêts d'une partie très importante de la population !

Citation (Vanneste parle d'une émission de télévision à laquelle on l'avait invité à débattre de la question de l'homoparentalité, et qui "comme par hasard" ne s'est pas déroulée comme il l'avait prévu) : "il est étrange, et finalement assez drôle que les promoteurs acharnés d’un comportement ultra minoritaire se soient retrouvés majoritaires sur le plateau et en possession des légitimités du droit, de la « Science » et de la société civile, alors que les 1800 membres de l’APGL pèsent peu en face des 6 millions de personnes représentées par l’Union Nationale des Associations Familiales, ou même des 36 000 membres des seules Associations Familiales Catholiques (que les médias -comme par hasard- ignorent)"

http://www.christianvanneste.fr/2009/11/13/le-traquenard-ou-le-monde-a-l%E2%80%99envers-l%E2%80%99homoparentalite-majoritaire%E2%80%A6-sur-le-plateau/.

Mais qu'est-ce encore que cette mascarade grotesque ? Où est la cohérence dans les propos que tient d'un ton particulièrement pontifiant le "philosophe" Christian Vanneste ? C'est à n'y plus rien comprendre. D'une part il nous explique qu'il n'y a pas de communautés et pas d'associations qui soient légitimes à représenter ces communautés, d'autre part il nous explique sur son blog que les associations familiales, et notamment les associations familiales catholiques, sont tout à fait légitimes pour défendre les intérêts des personnes qu'elles représentent.

Bref, Vanneste s'embrouille dans des contradictions qui nous renvoient au problème de fond qui structure toutes les positions du député de Tourcoing : c'est un militant catholique qui considère l'homosexualité comme un péché honteux. Par voie de conséquence, il faut contraindre au silence les associations qui cherchent à défendre l'idée contraire, à savoir, que l'homosexualité est un comportement socialement acceptable - autrement la société ne tiendrait pas, la société serait menacée, on risquerait de se retrouver "foutus" comme feu nos amis les néanderthaliens !

Drôle de conception de la liberté d'expression de la part d'un homme qui pour se défendre de ses adversaires invoque la "France de Voltaire" ! Christian Vanneste conclut ses propos par une déclaration remarquable : "je pense que tous ces gens qui s'arrogent le droit de penser à la place des autres sont déjà une atteinte à la démocratie. Donc il faut écarter ça". Ben voyons... Les associations homosexuelles ennuient Christian Vanneste, elles le trainent en justice - justice, qui rappelons-le, a fini par BLANCHIR Christian Vanneste - donc écartons les associations homosexuelles, qui de toutes façons dénoncent des idées "évidemment" nauséabondes. De la part de quelqu'un qui revendiquait en début d'interview la possibilité d'un débat franc, voilà qui ne manque pas de toupet !

Simplifions les choses : pour Christian Vanneste, de même que pour les "lobbys sectaires" qu'il prétend dénoncer, tout le monde a droit d'exprimer ses idées à partir du moment où elles correspondent à un corpus d'idées préalablement défini. Idées qui pour Christian Vanneste revêtent toutes les caractéristiques de l'évidence. Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer une autre citation, prononcée cette fois sur les bancs de l'Assemblée Nationale, de notre ami député : "la notion même de l'idée d'homophobie tend à accréditer l'idée que le comportement homosexuel a la même valeur que d'autres comportements, alors qu'il est évidemment une menace pour l'humanité, pour sa survie, tout simplement pour le respect de l'humanité. Mais oui ! Mais évidemment, évidemment !". Qu'est ce que cette idée a d'évident ? Il m'apparaît personnellement que cette idée n'est pas évidente du tout, et qu'elle mériterait des explications. L'attitude de Christian Vanneste qui ne peut s'empêcher de répéter comme une incantation "évidemment, évidemment" me rappelle la stratégie que bon nombre des étudiants en classe préparatoire scientifique utilisent pour dissimuler, au cours d'une démonstration mathématique, les failles de leur raisonnement. J'ai appelé cette stratégie le "théorème de l'évidence". Ce n'est pas très compliqué : lorsqu'un point de la démonstration pose problème, et que l'on a besoin néanmoins d'un résultat connu d'avance pour progresser dans le raisonnement, il suffit de poser que ce résultat est comme-de-bien-entendu tout à fait évident, évident à un point tel qu'il ne nécessite même pas la peine d'être démontré. Généralement, les correcteurs ne sont pas dupes de la supercherie...

En guise de démonstration de cette "évidence", Christian Vanneste livrera par la suite le raisonnement bidon auquel nous faisions hier référence, qui prouve bien qu'en réalité, c'est une idée qui n'est pas évidente du tout... Mais Christian Vanneste, contrairement à ses adversaires et comme tout militant catholique, est persuadé de détenir le monopole de la Vérité, une Vérité qui chez lui correspond à la figure difficile à concevoir d'un Dieu tricéphale. Autant dire que pour lui, les démonstrations sont accessoires.

Dans une autre interview, Christian Vanneste nous livrait le nom de son philosophe préféré : Martin Heidegger. Heidegger... le grand penseur du N'importe Quoi conceptuel, de la bouillie notionnelle, de la Terre qui ne ment pas et des contradictions perçues comme principe organisateur de la pensée rationnelle. A vrai dire, je ne suis pas très surpris.

dimanche 1 août 2010

L'imposteur de Tourcoing


J'ai hésité quelques temps avant d'écrire ce billet. Compte tenu de l'image médiatique déplorable du personnage, je me suis demandé si le fait d'écrire un article pour critiquer les positions de Christian Vanneste pouvait encore avoir un intérêt quelconque. J'avais d'abord écrit quelques lignes, qui m'ont donné l'impression que j'arrosais à tirs continus de kalachnikov une ambulance de brousse modèle Trabant.

Aussi, vais-je donner quelques précautions préliminaires, pour que l'on ne puisse me confondre avec le premier pyromane cathophobe venu : Christian Vanneste n'est ni un abruti complet, ni une ordure violente, ni même un sale type. Il est doté de qualités que l'on retrouve chez un nombre infime de députés français : à savoir qu'il s'exprime dans un français très correct, qu'il est cultivé, et qu'il sait faire preuve d'un certain humour - qui ne me sied guère, mais des goûts, des couleurs et des orientations....
Par ailleurs, j'ajoute qu'à mon avis, comme n'importe quel citoyen français soucieux d'intervenir sur les devants de la scène publique, Christian Vanneste est légitimement doté du droit d'exprimer les opinions qui sont les siennes, même les plus créti(e)nes, dès lors que l'expression de ces idées ne suffit pas à caractériser l'insulte ou l'incitation à la haine d'autrui. Les péripéties judiciaires du député Vanneste avaient quelque chose de navrant, en ceci que par deux fois la justice a voulu interdire à un homme politique le droit d'exprimer des idées stupides - à ce titre, autant que soient prohibés l'exercice du débat et le métier de politicien...

Toutefois, il n'en demeure pas moins que Christian Vanneste reste ce qu'il est : un militant catholique, doublé d'un imposteur homophobe, qui ment lorsqu'il prétend fonder son rejet des comportements homosexuels sur un raisonnement prétendument kantien - qui plus est foireux - ce que je veux tâcher de démontrer ici.

Reprenons les termes même qui avaient été à l'origine d'une polémique virulente : "l'homosexualité est inférieure à l'hétérosexualité, si on la poussait à l'universalité, ce serait dangereux pour l'humanité". Interrogé par Karl Zéro à la suite du jugement rendu par la Cour de cassation - qui l'avait, c'est heureux, blanchi des accusations d'injures publiques envers un groupe de personnes à raison de leur orientation sexuelle, puisqu'il n'y avait pas eu injures, mais simplement raisonnement foireux - le député de Tourcoing avait ajouté, en guise de commentaires de ses propos : "c'est mathématique... mon raisonnement, c'est ce qu'on appelle une hyperbole. C'est à dire que pour montrer quelque chose, il faut pousser au maximum. C'est presque un raisonnement, c'est même tout à fait un raisonnement mathématique. Imaginons que tous les hommes soient homosexuels, si tous les hommes sont homosexuels on est foutu quoi". Et d'ajouter : "si tous les hommes sont hétérosexuels on n'est pas foutu, donc y a un comportement qui est meilleur que l'autre".

Pour Christian Vanneste, cette étrange façon de procéder semble avoir quelque chose de logique et d'évident. Généralement, la plupart des philosophes, lorsqu'ils essaient de procéder à l'examen moral d'un comportement, se fondent sur des hypothèses crédibles. Christian Vanneste se fonde sur une hypothèse complètement absurde ce qui permet, d'emblée, de douter du sérieux d'une démarche qu'il tente de justifier en s'abritant derrière le paravent ultime des pensées non-rationnelles (dont à une autre époque le régime hitlérien s'était tout aussi bien servi), à savoir : l'impératif catégorique du promeneur de Königsberg.
Comme le remarquait Richard Dawkins dans The God Delusion (titre en français : Pour en finir avec Dieu), l'usage de l'impératif kantien par l'Eglise catholique pour appuyer les positions morales qui sont les siennes est régulier, et relève la plupart du temps de la mauvaise foi - ce qui est un comble. Si le raisonnement du vieux penseur a tout lieu de s'appliquer à certains comportements, comme le mensonge, dont on comprend bien que s'il était généralisé il n'aurait plus guère de sens, il en va tout autrement pour ce qui concerne la sexualité des adultes consentants.
Ainsi, reprenons le raisonnement vannestien, en changeant l'hypothèse de départ, tout en conservant le présupposé non démontré et contestable qui sous-tend la conclusion du député, à savoir : à partir du moment où l'humanité ne se reproduit plus, "on est foutu" (foutu pourquoi ? d'où vient le principe selon lequel l'espèce humaine serait nécessairement vouée à se perpétuer pour toute éternité ? l'extinction naturelle de l'homme de Néanderthal est-elle alors le crime le plus épouvantable de l'histoire ? l'homosexualité était-elle généralisée chez les néanderthaliens ? etc.).
Supposons désormais que toute l'humanité soit frappée de stérilité. Conclusion : "on est foutu". Corollaire : les personnes fertiles sont moralement supérieures aux personnes stériles. Cette position est-elle raisonnable ? Christian Vanneste validerait-il les conclusions de ce raisonnement ? J'en doute. Il rétorquerait probablement : mais c'est confondre essence et comportement ! Le fait d'être stérile ou fertile ne relève pas d'un choix conscient de l'individu, c'est un fait qu'il est contraint d'accepter tel quel ! Ce à quoi je répondrais : mais c'est également ce que je pense de l'orientation sexuelle de tout un chacun, mon cher Christian !
Mais frappons plus fort. Prenons maintenant l'hypothèse suivante, fondée sur un comportement qui relève tout à fait d'un choix conscient de l'individu, et que l'on peut donc qualifier moralement. Supposons que toute l'humanité choisisse de vouer sa vie au Dieu des catholiques, et pour se faire, prononce un double voeu de célibat et de chasteté afin de réserver la totalité de son amour cruciphile au défunt Jésus Christ. Conséquence : l'humanité ne se reproduit plus. Conclusion : "on est foutu". Corollaire : les laïcs sont moralement supérieurs aux cléricaux. Une fois de plus, j'imagine que les conclusions de ce raisonnement, qui est pourtant le sien, ne seront JAMAIS validées par Christian Vanneste - mais je me demande bien à partir de quel argument...

Au fond, ce que je cherche à démontrer, c'est la position d'imposture de Christian Vanneste, qui prétend que c'est parce qu'il a beaucoup réfléchi, qu'il a étudié la philosophie morale et qu'il a cuisiné tout seul des manières de raisonnement à la sauce kantienne, qu'il en est venu aux conclusions qui sont les siennes sur la moralité des comportements homosexuels. Ceci est très probablement faux. Christian Vanneste condamne les comportements homosexuels parce qu'il a reçu une éducation catholique, et que le catéchisme de l'Eglise catholique condamne les comportements homosexuels, pour des motifs devenus traditions, qui se fondent essentiellement sur quelques interprétations médiévales de vieilles histoires racontées par différents auteurs juifs morts depuis des siècles. Il ne faut pas tellement chercher plus loin.

Ce fondement est le même qui sert à justifier la plupart des positions du catholicisme en matière d'homosexualité : à savoir, qu'il faut accorder la plus grande compassion aux personnes (qui généralement souffrent et sont très malheureuses de leur situation, ce qui se comprend très bien à partir du moment où l'on adhère aux hypothèses fondamentales du catéchisme de l'Eglise catholique, qui considère l'homosexualité comme un péché. Précisions ce qu'il faut entendre par "péché" : une faute qui rapproche l'individu d'une espèce de demi-Dieu du Mal nommé Satan supposé très méchant, et qui éloigne l'individu d'un vrai Dieu qui a trois têtes - une tête de Père, une tête de Fils, et une tête de colombe qui tient une burette d'huile dans le bec - qui lui est très gentil et très aimant. Il est TOUJOURS très gentil et très aimant, même lorsqu'il demande à Abraham de planter un couteau tranchant dans le coeur de son fils pour lui faire plaisir - rassurez-vous, pour de faux, c'était juste pour vérifier si Abraham était cap' ou pas cap') tout en condamnant la pratique, ce qui requiert une très grande souplesse, beaucoup de diplomatie et un exercice régulier de la "Doublepensée" orwellienne.

Conséquence de cette manière catholique et peu chrétienne d'aborder le sujet de l'homosexualité : un individu homosexuel est une personne qui a besoin qu'on l'aide à s'orienter vers le droit chemin de l'hétérosexualité. Cette aide peut revêtir les formes du dialogue, de la prière, ou mieux encore, du traitement clinique en Espagne. Les individus qui refusent qu'on leur accorde cette marque d'amour et de soutien, dès lors qu'ils continuent de vivre dans le péché, font un choix honteux, qu'il est utile de condamner. Ils doivent comprendre qu'il faut qu'ils se cachent et qu'ils dissimulent leurs pratiques qui sont autant de crimes commis en pleine conscience du Mal qui les engendre, autant d'injures projetées à la face du Tout-puissant (à la triple face du Tout-puissant, devrais-je plutôt dire). On ne doit pas les voir. Il faut qu'ils se taisent.

D'où le constat très juste formulé par Didier Eribon : pour un grand nombre de personnes, en particulier de personnes religieuses, le fait que deux homosexuels s'embrassent dans la rue est beaucoup plus inacceptable que d'autoriser l'existence secrète de backrooms spécialisés où se dissimule à l'abri des regards une sexualité bestiale et non protégée. Et cette phrase, mille fois entendue : "Ca les regarde. Ils font ce qu'ils veulent tant qu'on les voit pas".

Raisonnons en termes vannestiens. Supposons que toute l'humanité dissimule à toute l'humanité ce qu'elle est et ce qu'elle ressent au plus profond d'elle-même, qu'elle travestisse les marques d'amour dont elle est capable en mascarades et simagrées. Conclusion : on est bel et bien foutu.

Encore une fois, je ne refuse nullement à Christian Vanneste le droit de s'exprimer publiquement. Bien au contraire. Je revendique pour tout un chacun le droit de dire des choses idiotes, à la condition d'une contrepartie qui consisterait en la possibilité, pour tout un chacun, de dire de propos idiots qu'ils sont des propos idiots, sans considération de leur teneur politique, idéologique ou - bien entendu - confessionnelle.












vendredi 9 juillet 2010

La dictature du culot

S'il est un enseignement reçu en école de commerce dont je suis sûr qu'il me servira plus tard, quelle que soit la trajectoire professionnelle que je suivrai, et dont je suis tout aussi sûr qu'il est inadmissible et scandaleux, c'est bien celui du culot.

Le culot est l'enseignement fondamental des écoles de commerce. Je ne mens pas , je n'invente rien, souvenez-vous du slogan retenu par l'Ecole des Hautes études commerciales de Jouy-en-Josas : "Apprendre à oser...".

A la différence de l'audace, qui est la qualité des personnes capables de s'affranchir des schèmes de pensée préconçus pour créer quelque chose de nouveau, le culot ne crée strictement rien qui puisse avoir un usage d'intérêt social quelconque. Il ne sert que celui qui s'en sert - autant dire qu'il ne sert pas grand-chose à quoi l'on puisse s'intéresser. Il est la négation de la prudence, de la modération et du respect des autres. Il est l'arme dont rêvait le Grand Dieu du N'Importe Quoi pour imposer au collectif - privé de toute capacité de réaction - une collection d'idées stupides et de propositions grotesques qui trouvent par l'intermédiaire du culot une possibilité d'expression que contenaient jusqu'alors les règles élémentaires de la logique et de la bienséance.

En école de commerce, la règle suivante prédomine - qui vise à ce que les étudiants pratiquent de façon régulière et prolongée des exercices de culot : "toute idée exprimée mérite qu'on la considère comme pertinente", y compris si cette idée ne veut strictement rien dire, si elle n'a aucun rapport avec le contenu du cours qui fait l'objet de la séance, si elle est fausse, archifausse et démentie par l'expérience quotidienne de tout un chacun. Seule compte l'expression d'un quelque chose, quel qu'il soit, dont la valeur intrinsèque n'est pas considérée.

Cette façon d'encourager les étudiants à la pratique du culot s'appuie par ailleurs sur un certain nombre de méthodes dont toutes les écoles de commerce semblent s'être inspirées. Il s'agit par exemple de la technique de la participation, qui procède de la façon suivante : la note trimestrielle d'un étudiant de l'Essec, pour toute matière, est constituée à hauteur de 20% par une estimation de la "participation" de ce même étudiant au déroulement du cours. Autrement dit, 20% de la note d'un Essec dépend de sa capacité à lever la main en plein cours pour poser une question dont l'intérêt n'est qu'accessoire - ou pire, à déblatérer des inepties d'un ton monocorde et prétentieux - ce qui fondamentalement présuppose une maîtrise effective et conséquente de la science du culot. Cette note de participation peut se voir facilement augmentée de quelques points précieux par l'exercice répété d'une discipline sous-jacente au culot que l'on appelle "cirage de pompes". Le culot est un passeport pour tous les pays de l'exagération, à l'inclusion de la Flagornerie, alors trêve de tergiversations et pénétrons sans crainte les contrées fabuleuses de ce nouvel El Dorado ! Larguons nos amarres et qu'aucune contrainte ne nous retienne ! Osons, compagnons d'infortune, osons féliciter tel professeur d'avoir si bien retranscrit telle page de Wikipédia sur un affreux fichier Powerpoint, osons remercier tel enseignant d'avoir bien voulu prendre 30 minutes de son cours de Théorie financière pour nous expliquer les techniques de dérivation de fonctions linéaires, osons récompenser de nos compliments obséquieux tel conférencier venu discourir à propos d'une crise financière survenue par hasard si ce n'est par erreur... Ne soyons pas gênés de nos comportements outranciers : ce sont ces comportements-là mêmes que valorise l'administration d'une école très catholique et fort peu chrétienne qui n'a que faire de la décence !

Encouragés à dire n'importe quoi, n'importe quand à n'importe qui, les étudiants d'école de commerce gagnent en culot tout ce qu'ils perdent en sens critique. Il n'est pas dit qu'il s'agisse d'un bon marché...






samedi 3 juillet 2010

Sortir le Vatican de ses Bulles.

Il est grand temps que les religions rentrent dans le droit commun.

Fut un temps en Europe où il existait, globalement, trois ordres, et trois justices. Le premier d’entre eux, le Clergé, avait sans conteste le droit et les institutions les plus aboutis, les plus rigoureux, les plus justes en somme. Tant et si bien qu’Aristocratie et Tiers État les prirent en modèles. Beaucoup ont oublié que l’Inquisition, loin d’être la caricature obscène qu’avait pu être la déviance espagnole, donnerait ses bases modernes à la justice occidentale.

A partir de 1789, cette séparation devenue obsolète s’est effondrée. Contrainte et forcée, l’Église a du abandonner ses privilèges, et ses clercs jugés comme simple citoyens. Elle ne l’a jamais accepté.

aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa *
aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa*aa*

L'impunité du clergé dans les affaires de pédophilie qui déferlent enfin sur le Vatican trahit l’un des scandales les plus ignorés des démocraties occidentales : la soustraction volontaire du clergé au droit commun, organisée par l’Église et soutenue par une grande partie des élites, catholiques ou sensibles à la pression morale des clercs.

L’Église considère qu’elle n’a pas à être jugée par des laïcs. Il suffit de se pencher quelques minutes sur le droit canon pour constater que celui-ci postule que les « serviteurs du Christ » exécutent des « fins surnaturelles » garanties par le sacrement de l’ordination, et qu’en ce sens, ils n’ont aucun compte à rendre à la justice des hommes. Cacher un cadavre, des détournements de fonds, cela n’est pas facile, même si l’Église l’a fait à de nombreuses reprises –Opus Dei, Légionnaires du Christ. En revanche, intimider des enfants, sceller leurs paroles et leur cœur par la peur et la honte étaient plus concevables, pour un temps.

Ces derniers jours, trois affaires ont montré cette puissance sournoise dont personne ne semble s’offusquer.

En Belgique, la police a perquisitionné en fanfare l’archidiocèse de Bruxelles. Rien de plus normal quand on sait que les plaintes déposées par les victimes avaient dépassé le millier. Pourtant, on a appris à l’occasion de ces perquisitions que loin d’être traitées par la justice belge, les plaintes étaient recueillies par une « commission » constituée de personnalités catholiques chargées de les examiner et de les transmettre le cas échéant au ministère public… Instituée en 2000, cette commission était le fruit d’un pacte scandaleux conclu entre l’Église et le ministère de la justice, dans le flou le plus total, prétextant le besoin de protéger l’anonymat des victimes ! Soit disant indépendante, cette commission siégeait en fait au sein de l’archidiocèse, palais dans lequel étaient entreposés les dossiers justement saisis par la police la semaine dernière ! Drôle de garantie d’anonymat et d’indépendance que de confier l’enquête aux autorités qui ont tu, protégé voire cautionné les crimes sur lesquels ils doivent rendre compte ! De fait, 500 dossiers étaient en souffrance, et depuis sa création, la commission n’a transmis qu’au compte goutte les dossiers les plus évidents. C’est d’ailleurs une association catholique de défense des victimes de pédophilie, qui a alerté les autorités, lassée de 10 ans d’obstruction et de mépris.

Dimanche dernier, Benoit XVI n’a rien trouvé de mieux à faire que de condamner la perquisition, soit disant réalisée dans des « modalités déplorables » qu’il n’a bien entendu nullement précisées puisqu’elles étaient tout à fait normales.


Deuxième affaire, en Irlande, pays dans lequel les affaires de pédophilie ont ressurgi. J’insiste sur ce mot, ressurgir ; car les affaires de pédophilie ont émergé dans les années 90, et la deuxième vague à laquelle on assiste n’est liée qu’à l’échec de l’Eglise à étouffer plus longtemps, comme en Belgique, ces affaires.

L’ensemble des enquêtes, procédures et indemnisations des victimes (15 000 enfants) va coûter près de 1.4 milliards d’euros. La semaine dernière, le gouvernement irlandais a demandé à l’Église d’en payer la moitié… On hallucine ! En quoi le contribuable irlandais devrait il verser ne serait-ce qu’un centime pour juger et dédommager les crimes couverts par l’Église ?

Troisième affaire, la plus importante, et qui n’a fait l’objet d’aucun relais en France. On sait que dans plusieurs affaires, les enquêteurs ont soupçonné très fortement que des ordres provenant du Vatican avaient coordonné, voire ordonné la dissimulation des crimes, et organisé la valse internationale des prêtres pédophiles afin de les écarter des juridictions menaçantes tout en les laissant en compagnie d’enfants. Plusieurs polices et juridictions auraient bien voulu et continuent à vouloir entendre des responsables de la Curie, y compris Benoit XVI, qui occupa nombre de postes de premier plan en tant que cardinal.

Si le Vatican et le Pape avaient une once de sincérité dans les pleurnicheries grotesques et hypocrites qu’ils ont été acculés à formuler envers les victimes des prêtres pédophiles et des obstructions de l’Eglise, ils transmettraient tous les documents que réclame la justice, et ils viendraient témoigner. Ils auraient à cœur de prouver leur innocence.

Or, rien de cela. Non seulement le Vatican ne transmet rien, mais ils accusent régulièrement police et justice de vouloir « casser » l’Eglise… Afin de ne pas se plier aux demandes qui leur sont adressé, Pape et Vatican se cachent derrière l’immunité diplomatique que leur garantie leur micro-théocratie. Étrange façon de défendre son honneur et la vérité.

Lundi dernier, la Cour suprême des États Unis était amenée à se prononcer sur l’immunité diplomatique du Vatican. En effet, la Cour d’Oregon avait levé la protection, et ouvert la voie à une convocation du Pape et de sa smala à la barre d’un tribunal. Le Vatican avait fait appel, et le gouvernement américain s’était empressé de le soutenir, en demandant à la Cour Suprême de revenir sur la décision de l’Oregon. Or, la Cour Suprême ne l’a pas fait, et a refusé de se prononcer, entérinant de fait la fin de l’immunité vaticane jusqu’à la prochaine péripétie judiciaire.

Ce que révèlent ces différentes affaires est simple : l’Église tente systématiquement de se soustraire au droit commun et de régler –c’est à dire enterrer- ses affaires elle même. Ce n’est pas la seule, toutes les religions le font, mais aucune –sauf peut être les Orthodoxes- n’ont une organisation suffisante pour le faire à cette échelle, et aucune n’a la protection assurée par le statut d’État souverain du Vatican.

Le catholicisme, toutes religions doivent enfin rentrer dans le droit commun, en tout cas en Europe ! Il n’est plus possible qu’une religion se constitue en État dans l’État, adopte ses propres règles. Personne n’a jamais rien trouvé à redire au fait que les trois principales religions bafouaient totalement les règles constitutionnelles communes à toutes les démocraties occidentales, en ne respectant ni l’égalité des sexes ni l’absence de discrimination

Voici donc quelques mesures très simples pour régler définitivement le problème :

- Supprimer le Vatican en tant qu’État.
- Confisquer l’ensemble des biens que les religions ont spolié et leur accorder un usufruit onéreux.
- Obliger l’ensemble des religions à se conformer aux principes européens fondamentaux, et leur infliger des amendes conséquentes en attendant :
- Égalité Hommes/Femmes.
- Interdiction de toute discrimination.
- Interdiction du célibat obligatoire.
- Interdiction de toute cérémonie engageant la conscience ou le corps d’un mineur.

vendredi 25 juin 2010

La Corée du Nord, la diplomatie de l’outrance et la stratégie Pop Up.

Pour éclaircir la géopolitique il faut savoir aller sur le terrain, prendre des risques, et ne pas hésiter à susciter quelques paradoxes. Si vous voulez comprendre la Corée du Nord, il faut s’engager dans les quartiers bourgeois de Paris, ou à Neuilly. Cherchez-y une petite vieille bien argentée, de préférence veuve – une Chinoise à tout hasard. Il y a beaucoup de chance pour qu’elle se fasse trainer par un affreux clébard. Un petit caniche ou tout autre bestiole ridicule et misérable. Prenez garde ! Qui n’a jamais éprouvé une certaine défiance envers ces roquets hystériques prêts à aboyer, à attaquer par surprise, désespéré de prouver qu’ils seront plus forts que vous, vous qui pouvez l’écraser d’un pied ? Vous serez poli pourtant, et parce que vous êtes un homme civilisé, vous ne prendrez pas le risque de vous faire égratigner par le roquet -ou la vieille. Vous passerez votre chemin, regarderez ailleurs. Au fond de vous-même pourtant, vous auriez bien pris la laisse des mains de mamy pour projeter la bête enragée contre un mur ; mais…non.

* * *

La Corée du Nord doit "cesser ses provocations militaires irresponsables et à s'engager pour que les 70 millions de Coréens vivent ensemble." Las, le président Lee Myung Bak s’excuserait presque de défendre l’honneur de son armée. Le cadre du discours était certes solennel, alors qu’il présidait à Séoul les cérémonies marquant le 60ème anniversaire du début de la Guerre de Corée, conclue en 1953 par un simple armistice, au demeurant « gelé » par Pyongyang l’année dernière.

En soixante ans, le régime Stalinien de la Corée du Nord n’a pas pris une ride, même si son peuple est décimé. Il affiche toujours une audace à l’abri de toute vergogne. Pendant que Séoul célèbre sobrement les 4 millions de morts du conflit, Pyongyang a décidé de marquer le coup, en ressortant de derrière les fagots une facture salée présentée aux Alliés, réclamant la bagatelle de 64 960 milliards de dollars (soyons précis) aux Etats Unis en indemnités de guerre, guerre au demeurant déclenchée par feu le « Grand leader » Kim Il Sung sur les ordres d’un certain Joseph S., ci devant Petit Papa des Peuples. Mais le régime nord-coréen n’a peur de rien.

Il y a deux ans, sur mon précédent blog, je laissais la Corée du Nord sur la voie de la dénucléarisation. Depuis, Obama n’a pas respecté le traité signé par Bush, et les Coréens ont donc décidé de se rappeler à son bon souvenir. De toute façon, la paix ne convient pas au caractère délicat de la junte.

La meilleure défense, c’est l’attaque. A défaut de pouvoir se battre sur le champ d’honneur (il faut pour cela avoir une armée et des soldats épargnés par une famine permanente, qui n’auraient pas de fait une taille moyenne inférieure de 10 cm à celle de leurs riches et diaboliques ennemis méridionaux), il faut parader, provoquer. C’est moins cher et ca passe facilement sur CNN.

Je ne vais pas m’étendre sur le fait que le régime de Kim Jong Il est une insulte à l’humanité. Même Maxime Gremetz le reconnaît. Mais c’est malheureusement un virtuose diplomatique, armé d’une froideur de raisonnement qui sait jouer de ses maigres forces de dictature contre les quelques failles des démocraties.


Un objectif, survivre, guide l’ensemble des décision des Kim Jong Il. S’enrichir au passage aussi, mais c’est accessoire. Il y deux ans, on avait cru que le « Cher Leader » allait disparaître, emporté par une attaque cérébrale. Malheureusement à se vautrer dans la fange et à vivre sur des charognes, les rats résistent à tout. Jong est toujours là, avec son look improbable de travelo sous chimio ; il est plutôt en forme, et a quelques idées pour rester au pouvoir, et placer son troisième fils au passage.

Il y a un peu plus d’un an, fraichement remis de son attaque cérébrale, le tyran Kim était inquiet. Après tout, la caste militaire avait voulu le virer. La Chine, qui ne peut concevoir que la Corée soit unifiée tant que Séoul héberge 30 000 soldats US, ne montrait plus un enthousiasme sans faille envers lui. Elle avait même laissé l’ONU voter de nouvelles sanctions économiques pour punir Pyongyang d’avoir fait tester un deuxième pétard atomique le 25 mai 2009. Le jour même, la Corée du Nord annonçait qu’elle ne se sentait plus liée par l’armistice. Tout redevenait possible…

En effet, si la Chine oubliait la guerre froide, il fallait réchauffer un peu l’atmosphère. La stratégie est simple. Il s’agissait de mettre la Chine devant le fait accompli, et de montrer que devant la menace de représailles occidentales, elle soutiendrait nécessairement la Corée du Nord. Et au passage, la Russie ferait de même.

Reste à choisir son moment. A priori tyran Jong voulait d’abord faire le ménage en interne, renflouer ses caisses en ruinant (sic) son peuple par une dévaluation criminelle de 33% en novembre dernier, et positionner son troisième fils en tant qu’héritier, au cas où.

Comme toujours, les Nord-Coréens firent durer le suspens. L’outrance n’a d’effet que si elle garde une apparente spontanéité. C’est la stratégie Pop Up. Il faut savoir montrer subrepticement ses fesses pendant la messe, provoquer par surprise, quand la victime ne s’y attend pas. Par ailleurs, c’est plus drôle.

Le 26 mars 2010, Les Nord-Coréens coulent un navire du sud, assassinant une quarantaine de marins. Ils nient l’affaire, malgré son évidence. Tollé mondial auquel la Chine et la Russie même se joignent. Séoul montre ses muscles. Va-t-on enfin se décider à éliminer le Pygmée sénile et sa clique de gérontes bling-bling ?

Trois mois plus tard, plus rien. Pyongyang a gagné, a montré que malgré toutes ses outrances, la géopolitique restait son meilleur bouclier. Au contraire même, c’est l’outrance, sa capacité à suspendre les puissances au bord du gouffre, qui la protège. Car devant la menace d’une guerre légitime –qui peut assassiner 40 soldats sans déclencher au moins quelques représailles ?- qu’a fait la Chine, qu’a fait l’Amérique, qu’a fait l’Europe ? Rien, en apparence, sinon appeler au calme. Tyran Kim a gagné, il a montré que personne ne voulait lui faire la guerre, et que la Chine le protégerait quoiqu’il arrive.

La Chine a hésité cependant. Le Régime nord-coréen pensait sans doute que Pékin irait jusqu’à remettre en cause la véracité de l’attaque, comme ils le firent –la victimisation est l’arme favorite des tyrans, qui contrairement à leur fatuité, n’ont aucun honneur, puisque l’honneur menace la survie. Mais depuis qu’elle est riche, la Chine aime mieux la Corée du sud, et même le Japon. Elle ne veut donc en aucun cas rentrer dans le jeu de la Corée du Nord. Elle veut rester officiellement neutre. Grosse colère à Pyongyang ; le régime perdrait-il la main ?

Kim décide donc d’aller visiter dans son beau train blindé sa grand mère chinoise, histoire qu’elle lui donne un petit billet pour son anniversaire. La visite est écourtée. Nouvelle grosse colère.

Pour faire bonne figure devant cet affront, la Corée du Nord a alors ostensiblement buté deux « contrebandiers » Chinois à sa frontière (en territoire chinois). On remarquera que la stratégie est la même. Cette fois, le résultat est concluant, la Chine ne fait rien sinon protester, et Kim a montré que quoiqu’il fasse, il serait inamovible.

Au passage, le Pygmée a découvert quelque chose d’inespéré : en Corée du sud , les jeunes ne croient pas à la thèse de l’attaque ! Plus de 40% des moins de 40 ans pensent qu’il s’agit d’un complot américain… Bref, la Corée du Sud ne veut pas sa revanche, elle veut la paix. Pire encore, le responsable de la division de la Péninsule du Matin Calme ne serait pas Kim Jong Il, mais Washington !

Il est vrai que les jeunes Coréens sont la population la plus connectée au web et aux théories du complot qui y circulent. Cependant, cette donnée confirme un sentiment que j’avais perçu quand je me trouvais au Japon.

Japon et Corée sont considérés par l’Occident comme des alliés de revers évidents contre la Chine et à la Corée du Nord. En fait, il existe dans la jeunesse, épargnée par l’Histoire, une large tendance pan-asiatique et anti-américaine (l’Europe, parce qu’impuissante ou humiliée, suscite l’indifférence ou des fantasmes romantico-consuméristes). Alors que l’URSS est tombée, les Etats Unis apparaissent comme des colons responsables des divisions asiatiques.

Il y a quelques semaines, le gouvernement Hatoyama est tombé après avoir échoué à expulser les Américains d’Okinawa et à adopter la politique moins pro américaine, plus pan-asiatique qu’ils avaient promise. En Corée aussi, la population voudrait bien se débarrasser des Américains.

Cette analyse n’est pas entièrement fausse. En effet, il n’y a aucun doute sur la probabilité que si Séoul obtenait l’expulsion des Américains du territoire et revoyait sa diplomatie en faveur de Pékin, la Chine ferait tout pour que la Corée s’unifie, et laisserait tomber le tyran Kim, qui ne lui servirait plus à rien.

Et alors tout s’éclaire. Sur le web, des internautes de bonne foi se demandent ce que pourrait bien gagner la Corée du Nord à couler gratuitement un bateau du sud, alimentant ainsi la thèse du complot yankee. Mais Pyongyang n’a rien à gagner à la paix, n’a rien à gagner à la réconciliation ; la réconciliation, c’est bien pour encaisser des chèques de Samsung et faire venir des matériels d’un Sud unioniste toujours généreux. Mais l’union pour le tyran Kim, c’est la fin de son régime. C’est grâce à l’état de guerre que survit la Corée du Nord. Il s’agit d’entretenir la tension avec une maestria d’équilibriste pour que la Corée du Sud et le Japon aient suffisamment peur pour garder l’alliance américaine, même alliance qui garantie à Pyongyang la protection éternelle de la Chine.

Car la Corée du Nord rappelle aux généreux démocrates que nous sommes, que la paix n’est jamais un objectif en soi, mais un outil politique. Comme la guerre.

samedi 19 juin 2010

De quoi HEC est-il le nom ?

Une remarque préliminaire : ce billet ne concerne pas uniquement l'illustre institution de Jouy-en-Josas, mais aussi ses petites soeurs, les Essec , Escp, Edhec, et toute la cohorte des acronymes dont la laideur ne le dispute qu'à l'obscurité.

La fréquentation assidue et désormais de longue date de l'un de ses établissements (full disclosure : c'est l'Essec), et des étudiants qui la composent, a inspiré en moi cette question aux accents badiousiens. Je la pose de façon ouverte et, n'en déplaise aux fondateurs montagnards de la Guillotine, sans polémique ni volonté de trancher des têtes. Qu'ils me pardonnent ma tiédeur et m'épargnent l'échafaud!

En effet, malgré les récriminations fréquentes et récurrentes contre les écoles de commerce, j'ai toujours hésité à joindre ma voix aux flots des critiques et moqueries. Avocat du diable, peut-être, ou simplement réticent à admettre que 10 000 euros par an ne valent pas mieux, je leur ai reconnu certains mérites : entre autres, de beaux campus, bien équipés et bien plus vivables que les désastreuses facs françaises, un nombre non négligeable de professeurs et de cours intéressants (si l'on sait séparer le bon grain de l'ivraie), et des rapports étroits avec le monde professionnel, ce qui n'est pas non plus l'une des qualité de nos universités.

Néanmoins, je n'oserais pas remettre en question le sentiment profond qui sous-tend les critiques, partagé par des personnes intelligentes et que je ressens moi-même (je laisse à ceux qui me connaissent le soin de me placer ou non dans la catégorie visée). Ce sentiment est celui d'une certain futilité, ou tout au moins d'un manque de direction. Ceux qui viennent de prépa, ainsi que les titulaires de licence ou master qui rejoignent nos rangs, bûchent dur pendant deux, trois ou quatre ans, avec en tête l'idéal de la connaissance, la satisfaction du travail bien fait et de l'apprentissage, ainsi qu'une soif générale de se perfectionner. J'ai conscience des rires étouffés que ces quelques lignes ne manqueront pas d'éliciter, puisqu'on peut légitimement douter de la réalité de ces idéaux chez un certain nombre d'étudiants, aussi brillants et travailleurs soient-il. Cette réalité indéniable ne m'empêchera pourtant pas de penser que même les pires Rastignac ont dû cotoyer un jour ces sentiments avant d'être arrivés.

Quel contraste alors avec les années d'école ! Il est question de valeurs, d'humanisme, d'éthique, mais la pratique trahit à chaque instant le haut patronage sous lequel nous placent les directeurs d'école et leurs communicants. Les études préparationnaires et universitaires contribuent à former dans les faits des sentiments auxquels les écoles ne contribuent que par les mots.

Pourquoi nous est-il risible de voir l'"humanisme" trôner parmi les valeurs cardinales de l'Essec ?

Certes, parce que les cadres et le personnel de cette école, comme les représentants de tant d'autres établissements, n'incarnent que maladroitement, voire nullement, les valeurs élevées qu'ils prônent. On a la joie d'y rencontrer dans la même proportion que dans la population globale des esprits rigides et mesquins, vulgaires ou mal intentionnés. Mais alors, pourquoi les écoles s'acharnent-elles à se donner des valeurs ?

Le capitalisme est amoral
Oui, je pense qu'il faut le reconnaître : le capitalisme est un système qui se moque fondamentalement des principes autres que purement économiques, même s'il doit s'accommoder parfois de restrictions religieuses (comme l'interdiction de l'usure), d'ailleurs facilement contournées. L'offre faite par les écoles de commerce à leurs étudiants est de leur donner le parfait bagage technique, aussi bien les outils pratiques que l'état d'esprit du capitalisme, afin qu'ils deviennent les instruments d'un système bien réglé. Je prends le soin de préciser ici que je n'ai pas une disposition naturelle hostile au capitalisme - ça sera à Stavroguine de me dire si je suis libre au sens de Bourdieu... -, mais je tiens néanmoins à souligner lucidement la réalité froide et mécanique du système.

Mais les hommes ont besoin de morale
La deuxième partie du syllogisme (ou est-ce un paralogisme ?), la mineure, est que les hommes ne peuvent pas se passer d'un système de pensée idéaliste, finaliste, qui permet de donner sens à leur vie. Historiquement, ce sens provenait d'une construction supranaturelle, fondant philosophiquement tous les systèmes. Se défaire de la religion, et moins métaphysiquement des constructions idéologiques et politiques, nous a forcé à lever le voile sur les structures sociales et économiques dans lesquelles nous sommes irrémédiablement coincés. Parce qu'on tolère mal d'être Sisyphe, symbole du non-sens et de la peine, on doit se donner des valeurs coûte que coûte, au risque du contradictoire et du grotesque.

Quelle majeure ?
La solution adoptée par les écoles, pour satisfaire la demande populaire, née de l'idée intolérable que l'on puisse être les acteurs d'un système amoral, est donc d'afficher des valeurs, de se doter de codes et de serments (cf. Harvard), à la manière des avocats et des médecins, qui ont réciproquement adopté les méthodes des affaires. Bien évidemment, personne, ou presque, n'est dupe, ni parmi les membres de l'école, étudiants, professeurs, ni parmi la population en général.

Mais peut-on se passer de mettre ces valeurs en exergue ? Pourrait-on sans crainte lire dans les communications de l'école : efficacité, maximisation de la valeur, optimisation de la gestion... ?

Ai-je donc une meilleure solution ?

Je pense que oui. On ne peut certes pas priver les hommes d'idéaux et je pense effectivement qu'il est possible de trouver un terrain commun entre le capitalisme amoral - et qui le restera toujours au fond - et les valeurs prônées et rêvées par les hommes. Alors, gardons ces belles valeurs en tête, mais mettons-les en pratique plutôt qu'en affiche. En France comme à l'étranger, des hommes d'affaires s'adressent aux étudiants des "humanités" pour leur dire que l'entreprise a besoin d'eux. Je suis bien d'accord, et pas seulement parce qu'ils "savent écrire", mais parce qu'ils ont une pratique de la pensée philosophique, au sens très large d'une pensée qui accorde recul et vue d'ensemble.

Malheureusement, en France les écoles de commerce ont très peu de liens avec les facultés et sont déconnectées de tout intellectualisme universitaire. Pourquoi cette idée que la prépa suffit à poser les bases intellectuelles et morales de l'"honnête homme" ? La vocation initiale des écoles de commerce n'est pas de fournir cette base, en effet. Mais si les écoles veulent se dépasser et répondre aux attentes de l'homme moderne, qu'elles ne se contentent pas d'agiter les valeurs, croyant que celles-ci peuvent pénétrer l'esprit des étudiants comme par osmose.

Qu'elles imposent une exigence de rigueur académique et professorale de niveau universitaire, puisque l'humanisme stupide est aussi néfaste que l'égoïsme intelligent. Qu'elles offrent des cours variés et profonds, et non pas uniquement techniques, afin que l'intellect et l'affect continuent à se développer. En somme, qu'elles soient lucides sur le caractère amoral du capitalisme, mais qu'elles soient actives dans l'accompagnement du développement personnel.

Pour utiliser une analogie très geek, je dirais que le capitalisme s'apparente à la "force" dans Star Wars, une sorte de puissance qui dépasse l'individu, mais dont celui-ci peut user à des fins néfastes ou à des fins bénéfiques.

En guise de conclusion, je dirai que l'ESSEC n'a pas complètement tort : "You have the answer". Le libéral en moi pense en effet que ce sont avant tout les individualités qui façonnent la société et influent sur les systèmes. Néanmoins, comme dirait HEC, les écoles doivent "apprendre à oser" et ne pas craindre de contribuer au développement des honnêtes hommes du XXIe siècle.

jeudi 17 juin 2010

De Gaulle, l'écriture et Libération

Le quotidien Libération nous gratifie aujourd'hui d'un merveilleux petit article consacré à une polémique sans intérêt qui paraît-il ne cesse de gonfler. Voici les termes du débat : le troisième tome des Mémoires de guerre du général de Gaulle est au programme de littérature de terminale L pour l'année 2011 (et côtoie de ce fait Homère, Samuel Beckett et Pascal Quignard). Un certain nombre de professeurs se sont offusqués d'une telle décision, sous prétexte que de Gaulle ne serait pas un écrivain comme les autres - ou pire, ne serait pas un écrivain du tout.

Bon. Soit. Les lycées français sont victimes de phénomènes de violence de plus en plus inquiétants, des films comme La Journée de la jupe ou Entre les murs soulignent de façon convaincante le désarroi manifeste du système scolaire, et l'on commence à mettre en évidence une remontée inquiétante de l'analphabétisme, mais on peut trouver encore plusieurs milliers d'enseignants pour consacrer la totalité de leur énergie militante à la diffusion d'une pétition visant à réclamer la radiation des Mémoires de guerre du général de Gaulle du programme de lettres des terminales L. C'est ce qu'on appelle avoir le sens de l'urgence et des priorités.

C'est ainsi qu'une polémique est née et qu'elle oppose défendeurs et pourfendeurs de l'oeuvre littéraire du général de Gaulle. Je fais partie de ceux qui ont lu les Mémoires de guerre. Effectivement, l'oeuvre est datée : elle relève d'un style littéraire que plus personne n'utilise et qui témoigne d'une culture classique que l'on n'enseigne plus guère - si ce n'est, peut-être, à l'école des Chartes. On y retrouve une accumulation de formules rhétoriques qui témoignent de l'habileté d'un auteur dont les talents d'orateur sont connus de tous, doublée d'une succession de métaphores militaires et marines qui ne vont pas sans rappeler les péripéties d'une aventure - celle de la France libre - dont on oublie qu'elle fut à l'origine improbable et désespérée. Il suffit de lire ne serait-ce qu'une dizaine de pages des Mémoires de guerre pour ne plus douter des qualités d'écriture de Charles de Gaulle, chateaubrianesques en diable.

Mais pour les "écrivains" contemporains interrogés par Libération, il ne saurait suffire de souligner que Gaulle écrit bien pour démontrer qu'il s'agit d'un bon écrivain. Au contraire. Il faut se méfier. Que le général de Gaulle maîtrise l'art de l'écriture a quelque chose de fort suspicieux...

Revenons d'abord sur la sélection des écrivains choisis par Libération pour nous donner leur point de vue de spécialistes. Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer la formule de présentation retenue par ce quotidien prétendument de gauche - qui n'est guère lu que par des socialistes bon teint dont le conservatisme ne fait aucun doute : "Libération a demandé aux premiers concernés, les écrivains, de trancher". Ben voyons. "Les premiers concernés" en l'occurrence ce devrait être les futurs élèves de terminale, ou encore les professeurs de littérature des lycées français. Mais non, Libération se fiche de la plèbe comme de l'an 36. Libération fait appel à ces courageux pamphlétaires des années 2000, ces maîtres à penser d'une France qui ne lit plus, ces puissances tutélaires qui veillent sur nos cerveaux abrutis par des années de privatisation de la télévision française : c'est-à-dire les écrivains primés du boulevard Saint-Germain. Avouons que ça a tout de même un peu plus de gueule qu'un microttoir à la sauce "20 minutes".

Qui sont-ils, "les écrivains" ? La liste est éloquente : Pierre Bergougnioux, François Bégaudeau, (OMG), Benoit Duteurtre (caution d'équilibre ?), Hédi Kaddour (je ne sais pas qui c'est), Marie Darrieussecq (gloooooooooupss.....j'ai manqué de m'étouffer), Vincent Delecroix (je ne le connais, pas mais je dois reconnaître qu'il se sort finement de cette chausse-trappe), Emmanuelle Bayamack-Tam (jamais entendu parler de cette dame qui tire à la ligne).

Je passe sur l'intervention de Pierre Bergougnioux, qui rappelle que de Gaulle est un conservateur d'extrême-droite et que la lecture de ses oeuvres n'a pas d'autre intérêt qu'historique (itae missa est).

Le point de vue de l'insupportable François Bégaudeau a quelque chose de plus réjouissant. Déjà, il lui faut dix lignes pour nous préciser qu'il n'a lu aucune des oeuvres du général de Gaulle. C'est intéressant. François Bégaudeau ne sait rien du style littéraire gaullien, mais demandons-lui tout de même ce qu'il en pense. A Libé on est dada. On demande leur avis à des gens qui n'ont rien à dire - on ne sait jamais, le n'importe-quoi produit parfois de très belles choses. En l'occurence c'est réussi. Puisque François Bégaudeau n'a rien lu de De Gaulle, il change aussitôt de sujet et choisit de nous parler d'un auteur qu'il connaît beaucoup mieux, à savoir lui-même. Après nous avoir précisé qu'il était le dernier écrivain non-gaulliste de sa génération (ce qui ne veut pas dire grand-chose et ce qui me semble totalement faux mais François Bégaudeau est persuadé qu'il est punk donc il se moque éperdument de nous raconter des choses qui pourraient produire ne serait-ce qu'un embryon de réflexion sensée), voici qu'il nous rapporte l'anecdote suivante : "une prof croisée récemment m'a dit qu'elle avait mis un extrait d'Entre les murs dans sa liste". Oh mon Dieu. Et personne pour s'en indigner ?

Benoit Duteurtre dont le dernier roman (Le Retour du général) est drôle et bien écrit dénonce les faux-semblants d'une polémique qui lui paraît stérile : son intervention est une respiration au sein d'un article où le plus monstrueux reste encore à venir.

Hédi Kaddour : je ne sais pas qui est Hédi Kaddour, j'imagine qu'il est un proche collaborateur d'Edwy Plenel, si l'on s'en tient à la teneur de ses propos. De Gaulle n'est pas un écrivain, nous dit-il, mais tout au plus un scribouillard qui s'est contenté de retranscrire la trame d'une "directive politique", de la même façon que Mao composait des poèmes et Staline des essais linguistiques (oh comme c'est fin... il faut sous-entendre par ces comparaisons judicieuses une dénonciation très habile de la dictature personnelle de l'homme du 18 juin).

Et voici qu'intervient ma chouchoute... Aaaaaaaah.... Marie Darrieussecq, ENS Ulm, agrégé de Lettres classiques, auteur d'une cochonnerie titrée Truismes que je ne voudrais même pas recommander au plus sinistre de mes adversaires. Marie Darrieussecq écrit mal, et n'aime pas les gens qui écrivent bien. Elle écrit mal et elle écrit peu (une vague dizaine de lignes). Elle nous raconte qu'elle avait un grand-oncle qui lui lisait des lignes de De Gaulle quand elle avait 8 ans. Elle a dit : "beurk, c'est caca boudin". Ce grand-oncle était peut être un très vilain petit bourgeois, mais je ne vois pas bien en quoi cela pourrait relever l'intérêt de cette anecdote dont je me fiche totalement.

Vincent Delecroix, disais-je, est plus malin. Ce n'est pas tant la présence du général de Gaulle au programme des terminales L qui l'étonne que la composition générale de ce même programme , qui nous fait passer sans transition de Homère à trois écrivains de la seconde moitié du XXe siècle en sautant - à grande enjambée - tout-à-la-fois Rabelais, Corneille, Racine, Molière, Saint-Simon, Voltaire, Balzac, Flaubert, Sand, Zola, Proust, Céline et Valéry (quelle souplesse).

Enfin, pour conclure cet article étonnant, une centaine de lignes signées Emmanuelle Bayamack-Tam qui a tellement de choses à nous dire qu'une note de bas de page nous invite à consulter sur internet la suite de l'entretien prolongé qu'elle a bien voulu donner à Libération - entretien qui se présente sous la forme d'un enchevêtrement de clichés pontifiants : "avant même d'avoir ouvert les Mémoires de guerre, vous vous doutez qu'il ne s'agit pas de littérature" (ah bon ? c'est quoi alors ? une partition de musique ? une boîte à camembert ?), "il (de Gaulle) ne s'embarrasse d'aucun détour ni écart formel - qui sont le lieu de la littérature" (traduction : c'est quand c'est moche et bizarre qu'il y a littérature, thèse qui visiblement ne vaut même pas la peine d'être argumentée selon Bayamack-Tam puisqu'elle revêt comme-de-bien-entendu toutes les apparences de l'évidence), etc. Le tout agrémenté d'une glorification de la littérature à fautes de grammaire supposée supérieure - car subversive (hé hé !) - aux oeuvres qui relèvent d'une indiscutable maîtrise formelle.

Jusqu'à ce matin, je n'aurais jamais pensé élever au panthéon de mes oeuvres de prédilection les Mémoires de guerre du général de Gaulle. Après la lecture de pareilles tartufferies, pour le seul plaisir de me dresser contre les admonestations de la vulgate germopratine, je m'en vais les y placer, entre les comédies de Molière et les Règles de l'art de Pierre Bourdieu.