Pour éclaircir la géopolitique il faut savoir aller sur le terrain, prendre des risques, et ne pas hésiter à susciter quelques paradoxes. Si vous voulez comprendre la Corée du Nord, il faut s’engager dans les quartiers bourgeois de Paris, ou à Neuilly. Cherchez-y une petite vieille bien argentée, de préférence veuve – une Chinoise à tout hasard. Il y a beaucoup de chance pour qu’elle se fasse trainer par un affreux clébard. Un petit caniche ou tout autre bestiole ridicule et misérable. Prenez garde ! Qui n’a jamais éprouvé une certaine défiance envers ces roquets hystériques prêts à aboyer, à attaquer par surprise, désespéré de prouver qu’ils seront plus forts que vous, vous qui pouvez l’écraser d’un pied ? Vous serez poli pourtant, et parce que vous êtes un homme civilisé, vous ne prendrez pas le risque de vous faire égratigner par le roquet -ou la vieille. Vous passerez votre chemin, regarderez ailleurs. Au fond de vous-même pourtant, vous auriez bien pris la laisse des mains de mamy pour projeter la bête enragée contre un mur ; mais…non.
* * *
La Corée du Nord doit "cesser ses provocations militaires irresponsables et à s'engager pour que les 70 millions de Coréens vivent ensemble." Las, le président Lee Myung Bak s’excuserait presque de défendre l’honneur de son armée. Le cadre du discours était certes solennel, alors qu’il présidait à Séoul les cérémonies marquant le 60ème anniversaire du début de la Guerre de Corée, conclue en 1953 par un simple armistice, au demeurant « gelé » par Pyongyang l’année dernière.
En soixante ans, le régime Stalinien de la Corée du Nord n’a pas pris une ride, même si son peuple est décimé. Il affiche toujours une audace à l’abri de toute vergogne. Pendant que Séoul célèbre sobrement les 4 millions de morts du conflit, Pyongyang a décidé de marquer le coup, en ressortant de derrière les fagots une facture salée présentée aux Alliés, réclamant la bagatelle de 64 960 milliards de dollars (soyons précis) aux Etats Unis en indemnités de guerre, guerre au demeurant déclenchée par feu le « Grand leader » Kim Il Sung sur les ordres d’un certain Joseph S., ci devant Petit Papa des Peuples. Mais le régime nord-coréen n’a peur de rien.
Il y a deux ans, sur mon précédent blog, je laissais la Corée du Nord sur la voie de la dénucléarisation. Depuis, Obama n’a pas respecté le traité signé par Bush, et les Coréens ont donc décidé de se rappeler à son bon souvenir. De toute façon, la paix ne convient pas au caractère délicat de la junte.
La meilleure défense, c’est l’attaque. A défaut de pouvoir se battre sur le champ d’honneur (il faut pour cela avoir une armée et des soldats épargnés par une famine permanente, qui n’auraient pas de fait une taille moyenne inférieure de 10 cm à celle de leurs riches et diaboliques ennemis méridionaux), il faut parader, provoquer. C’est moins cher et ca passe facilement sur CNN.
Je ne vais pas m’étendre sur le fait que le régime de Kim Jong Il est une insulte à l’humanité. Même Maxime Gremetz le reconnaît. Mais c’est malheureusement un virtuose diplomatique, armé d’une froideur de raisonnement qui sait jouer de ses maigres forces de dictature contre les quelques failles des démocraties.
Un objectif, survivre, guide l’ensemble des décision des Kim Jong Il. S’enrichir au passage aussi, mais c’est accessoire. Il y deux ans, on avait cru que le « Cher Leader » allait disparaître, emporté par une attaque cérébrale. Malheureusement à se vautrer dans la fange et à vivre sur des charognes, les rats résistent à tout. Jong est toujours là, avec son look improbable de travelo sous chimio ; il est plutôt en forme, et a quelques idées pour rester au pouvoir, et placer son troisième fils au passage.
Il y a un peu plus d’un an, fraichement remis de son attaque cérébrale, le tyran Kim était inquiet. Après tout, la caste militaire avait voulu le virer. La Chine, qui ne peut concevoir que la Corée soit unifiée tant que Séoul héberge 30 000 soldats US, ne montrait plus un enthousiasme sans faille envers lui. Elle avait même laissé l’ONU voter de nouvelles sanctions économiques pour punir Pyongyang d’avoir fait tester un deuxième pétard atomique le 25 mai 2009. Le jour même, la Corée du Nord annonçait qu’elle ne se sentait plus liée par l’armistice. Tout redevenait possible…
En effet, si la Chine oubliait la guerre froide, il fallait réchauffer un peu l’atmosphère. La stratégie est simple. Il s’agissait de mettre la Chine devant le fait accompli, et de montrer que devant la menace de représailles occidentales, elle soutiendrait nécessairement la Corée du Nord. Et au passage, la Russie ferait de même.
Reste à choisir son moment. A priori tyran Jong voulait d’abord faire le ménage en interne, renflouer ses caisses en ruinant (sic) son peuple par une dévaluation criminelle de 33% en novembre dernier, et positionner son troisième fils en tant qu’héritier, au cas où.
Comme toujours, les Nord-Coréens firent durer le suspens. L’outrance n’a d’effet que si elle garde une apparente spontanéité. C’est la stratégie Pop Up. Il faut savoir montrer subrepticement ses fesses pendant la messe, provoquer par surprise, quand la victime ne s’y attend pas. Par ailleurs, c’est plus drôle.
Le 26 mars 2010, Les Nord-Coréens coulent un navire du sud, assassinant une quarantaine de marins. Ils nient l’affaire, malgré son évidence. Tollé mondial auquel la Chine et la Russie même se joignent. Séoul montre ses muscles. Va-t-on enfin se décider à éliminer le Pygmée sénile et sa clique de gérontes bling-bling ?
Trois mois plus tard, plus rien. Pyongyang a gagné, a montré que malgré toutes ses outrances, la géopolitique restait son meilleur bouclier. Au contraire même, c’est l’outrance, sa capacité à suspendre les puissances au bord du gouffre, qui la protège. Car devant la menace d’une guerre légitime –qui peut assassiner 40 soldats sans déclencher au moins quelques représailles ?- qu’a fait la Chine, qu’a fait l’Amérique, qu’a fait l’Europe ? Rien, en apparence, sinon appeler au calme. Tyran Kim a gagné, il a montré que personne ne voulait lui faire la guerre, et que la Chine le protégerait quoiqu’il arrive.
La Chine a hésité cependant. Le Régime nord-coréen pensait sans doute que Pékin irait jusqu’à remettre en cause la véracité de l’attaque, comme ils le firent –la victimisation est l’arme favorite des tyrans, qui contrairement à leur fatuité, n’ont aucun honneur, puisque l’honneur menace la survie. Mais depuis qu’elle est riche, la Chine aime mieux la Corée du sud, et même le Japon. Elle ne veut donc en aucun cas rentrer dans le jeu de la Corée du Nord. Elle veut rester officiellement neutre. Grosse colère à Pyongyang ; le régime perdrait-il la main ?
La Corée du Nord doit "cesser ses provocations militaires irresponsables et à s'engager pour que les 70 millions de Coréens vivent ensemble." Las, le président Lee Myung Bak s’excuserait presque de défendre l’honneur de son armée. Le cadre du discours était certes solennel, alors qu’il présidait à Séoul les cérémonies marquant le 60ème anniversaire du début de la Guerre de Corée, conclue en 1953 par un simple armistice, au demeurant « gelé » par Pyongyang l’année dernière.
En soixante ans, le régime Stalinien de la Corée du Nord n’a pas pris une ride, même si son peuple est décimé. Il affiche toujours une audace à l’abri de toute vergogne. Pendant que Séoul célèbre sobrement les 4 millions de morts du conflit, Pyongyang a décidé de marquer le coup, en ressortant de derrière les fagots une facture salée présentée aux Alliés, réclamant la bagatelle de 64 960 milliards de dollars (soyons précis) aux Etats Unis en indemnités de guerre, guerre au demeurant déclenchée par feu le « Grand leader » Kim Il Sung sur les ordres d’un certain Joseph S., ci devant Petit Papa des Peuples. Mais le régime nord-coréen n’a peur de rien.
Il y a deux ans, sur mon précédent blog, je laissais la Corée du Nord sur la voie de la dénucléarisation. Depuis, Obama n’a pas respecté le traité signé par Bush, et les Coréens ont donc décidé de se rappeler à son bon souvenir. De toute façon, la paix ne convient pas au caractère délicat de la junte.
La meilleure défense, c’est l’attaque. A défaut de pouvoir se battre sur le champ d’honneur (il faut pour cela avoir une armée et des soldats épargnés par une famine permanente, qui n’auraient pas de fait une taille moyenne inférieure de 10 cm à celle de leurs riches et diaboliques ennemis méridionaux), il faut parader, provoquer. C’est moins cher et ca passe facilement sur CNN.
Je ne vais pas m’étendre sur le fait que le régime de Kim Jong Il est une insulte à l’humanité. Même Maxime Gremetz le reconnaît. Mais c’est malheureusement un virtuose diplomatique, armé d’une froideur de raisonnement qui sait jouer de ses maigres forces de dictature contre les quelques failles des démocraties.
Un objectif, survivre, guide l’ensemble des décision des Kim Jong Il. S’enrichir au passage aussi, mais c’est accessoire. Il y deux ans, on avait cru que le « Cher Leader » allait disparaître, emporté par une attaque cérébrale. Malheureusement à se vautrer dans la fange et à vivre sur des charognes, les rats résistent à tout. Jong est toujours là, avec son look improbable de travelo sous chimio ; il est plutôt en forme, et a quelques idées pour rester au pouvoir, et placer son troisième fils au passage.
Il y a un peu plus d’un an, fraichement remis de son attaque cérébrale, le tyran Kim était inquiet. Après tout, la caste militaire avait voulu le virer. La Chine, qui ne peut concevoir que la Corée soit unifiée tant que Séoul héberge 30 000 soldats US, ne montrait plus un enthousiasme sans faille envers lui. Elle avait même laissé l’ONU voter de nouvelles sanctions économiques pour punir Pyongyang d’avoir fait tester un deuxième pétard atomique le 25 mai 2009. Le jour même, la Corée du Nord annonçait qu’elle ne se sentait plus liée par l’armistice. Tout redevenait possible…
En effet, si la Chine oubliait la guerre froide, il fallait réchauffer un peu l’atmosphère. La stratégie est simple. Il s’agissait de mettre la Chine devant le fait accompli, et de montrer que devant la menace de représailles occidentales, elle soutiendrait nécessairement la Corée du Nord. Et au passage, la Russie ferait de même.
Reste à choisir son moment. A priori tyran Jong voulait d’abord faire le ménage en interne, renflouer ses caisses en ruinant (sic) son peuple par une dévaluation criminelle de 33% en novembre dernier, et positionner son troisième fils en tant qu’héritier, au cas où.
Comme toujours, les Nord-Coréens firent durer le suspens. L’outrance n’a d’effet que si elle garde une apparente spontanéité. C’est la stratégie Pop Up. Il faut savoir montrer subrepticement ses fesses pendant la messe, provoquer par surprise, quand la victime ne s’y attend pas. Par ailleurs, c’est plus drôle.
Le 26 mars 2010, Les Nord-Coréens coulent un navire du sud, assassinant une quarantaine de marins. Ils nient l’affaire, malgré son évidence. Tollé mondial auquel la Chine et la Russie même se joignent. Séoul montre ses muscles. Va-t-on enfin se décider à éliminer le Pygmée sénile et sa clique de gérontes bling-bling ?
Trois mois plus tard, plus rien. Pyongyang a gagné, a montré que malgré toutes ses outrances, la géopolitique restait son meilleur bouclier. Au contraire même, c’est l’outrance, sa capacité à suspendre les puissances au bord du gouffre, qui la protège. Car devant la menace d’une guerre légitime –qui peut assassiner 40 soldats sans déclencher au moins quelques représailles ?- qu’a fait la Chine, qu’a fait l’Amérique, qu’a fait l’Europe ? Rien, en apparence, sinon appeler au calme. Tyran Kim a gagné, il a montré que personne ne voulait lui faire la guerre, et que la Chine le protégerait quoiqu’il arrive.
La Chine a hésité cependant. Le Régime nord-coréen pensait sans doute que Pékin irait jusqu’à remettre en cause la véracité de l’attaque, comme ils le firent –la victimisation est l’arme favorite des tyrans, qui contrairement à leur fatuité, n’ont aucun honneur, puisque l’honneur menace la survie. Mais depuis qu’elle est riche, la Chine aime mieux la Corée du sud, et même le Japon. Elle ne veut donc en aucun cas rentrer dans le jeu de la Corée du Nord. Elle veut rester officiellement neutre. Grosse colère à Pyongyang ; le régime perdrait-il la main ?
Kim décide donc d’aller visiter dans son beau train blindé sa grand mère chinoise, histoire qu’elle lui donne un petit billet pour son anniversaire. La visite est écourtée. Nouvelle grosse colère.
Pour faire bonne figure devant cet affront, la Corée du Nord a alors ostensiblement buté deux « contrebandiers » Chinois à sa frontière (en territoire chinois). On remarquera que la stratégie est la même. Cette fois, le résultat est concluant, la Chine ne fait rien sinon protester, et Kim a montré que quoiqu’il fasse, il serait inamovible.
Au passage, le Pygmée a découvert quelque chose d’inespéré : en Corée du sud , les jeunes ne croient pas à la thèse de l’attaque ! Plus de 40% des moins de 40 ans pensent qu’il s’agit d’un complot américain… Bref, la Corée du Sud ne veut pas sa revanche, elle veut la paix. Pire encore, le responsable de la division de la Péninsule du Matin Calme ne serait pas Kim Jong Il, mais Washington !
Il est vrai que les jeunes Coréens sont la population la plus connectée au web et aux théories du complot qui y circulent. Cependant, cette donnée confirme un sentiment que j’avais perçu quand je me trouvais au Japon.
Japon et Corée sont considérés par l’Occident comme des alliés de revers évidents contre la Chine et à la Corée du Nord. En fait, il existe dans la jeunesse, épargnée par l’Histoire, une large tendance pan-asiatique et anti-américaine (l’Europe, parce qu’impuissante ou humiliée, suscite l’indifférence ou des fantasmes romantico-consuméristes). Alors que l’URSS est tombée, les Etats Unis apparaissent comme des colons responsables des divisions asiatiques.
Il y a quelques semaines, le gouvernement Hatoyama est tombé après avoir échoué à expulser les Américains d’Okinawa et à adopter la politique moins pro américaine, plus pan-asiatique qu’ils avaient promise. En Corée aussi, la population voudrait bien se débarrasser des Américains.
Cette analyse n’est pas entièrement fausse. En effet, il n’y a aucun doute sur la probabilité que si Séoul obtenait l’expulsion des Américains du territoire et revoyait sa diplomatie en faveur de Pékin, la Chine ferait tout pour que la Corée s’unifie, et laisserait tomber le tyran Kim, qui ne lui servirait plus à rien.
Et alors tout s’éclaire. Sur le web, des internautes de bonne foi se demandent ce que pourrait bien gagner la Corée du Nord à couler gratuitement un bateau du sud, alimentant ainsi la thèse du complot yankee. Mais Pyongyang n’a rien à gagner à la paix, n’a rien à gagner à la réconciliation ; la réconciliation, c’est bien pour encaisser des chèques de Samsung et faire venir des matériels d’un Sud unioniste toujours généreux. Mais l’union pour le tyran Kim, c’est la fin de son régime. C’est grâce à l’état de guerre que survit la Corée du Nord. Il s’agit d’entretenir la tension avec une maestria d’équilibriste pour que la Corée du Sud et le Japon aient suffisamment peur pour garder l’alliance américaine, même alliance qui garantie à Pyongyang la protection éternelle de la Chine.
Car la Corée du Nord rappelle aux généreux démocrates que nous sommes, que la paix n’est jamais un objectif en soi, mais un outil politique. Comme la guerre.
J'ai beaucoup aimé, ca me paraissait long mais pas du tout! Les petites touches humoristiques m'ont gardées en éveil et l'histoire interressée!
RépondreSupprimerOn se cultive avec le sourire!
Merci