vendredi 12 octobre 2012

L’Europe de la Paix n’est plus celle de Bruxelles : REQUIEM pour un rêve.

Le comité Nobel norvégien a décerné son prix à l’Union Européenne « Pour avoir contribué pendant plus de six décennies à promouvoir la paix et la réconciliation, la démocratie et les droits de l'homme en Europe ». Cette décision n’est pas dénuée de cynisme quand on sait que le peuple Norvégien a refusé, par deux referendums, de rejoindre la dite Union Européenne, et que les sondages indiquent que plus de 75% des Norvégiens restent hostiles à toute adhésion.


Ce prix vient une fois encore consacrer une fracture définitive entre quelques élites européistes qui n’ont de cesse de s’auto-congratuler et des peuples qui constatent que l’Union Européenne n’a plus rien à voir avec le rêve européen.


En effet, tous les prix du monde et les déclarations lénifiantes n’y pourront rien, l’Union Européenne, qui n’a que 20 ans et non pas 60 comme le proclame le comité Nobel, n’est plus l’Europe de la Paix qu’avait consacrée Adenauer et de Gaulle, Kohl et Mitterrand.


L’Europe de la paix, celle du traité de Rome, celle des peuples libres, fraternels et prospères fut un succès dont tous les Européens ont célébré les bienfaits. Personne ne songe ni à la contester, ni à la remettre en cause.


Mais cette Europe de la paix n’est plus l’Union Européenne. En vingt années, l’Europe fédéraliste et technocratique n’a connu que des échecs dans ses tentatives infructueuses de renforcer la paix et la sécurité en Europe. Dans les Balkans, l’Union Européenne a été incapable de réagir seule face à l’horreur de la guerre civile. Sur les marches orientales du continent, l’Union européenne laisse, incapable, les peuples biélorusses, ukrainiens et moldaves être oppressés par des régimes dictatoriaux.


Pire encore, en imposant à travers tous les continents des politiques autoritaires, décidées par des technocrates non élus, l’Union Européenne a recréé des tensions et réouvert les plaies que l’Europe de la paix avait refermées. Quand Angela Merkel est accueillie par des croix gammées à Athènes par un peuple grec accablé par des mesures illégitimes et criminelles, peut-on penser que la paix, le progrès et la fraternité progressent en Europe ?

L'Union Européenne détruit l’Europe de la paix. Les apparatchiks à Bruxelles asservissent les peuples que les pères du traité de Rome avaient réconciliés. Ils mettent l'Europe à feu et à sang et détruiront ce que d’autres avaient bâti.

C'est donc à titre postume que le comité Nobel décerne ce prix à l'Europe. Puisse cet hommage à cette admirable défunte nous rappeller que l'Europe peut être encore un rêve, et non ce cauchemar que vivent les peuples.

lundi 10 septembre 2012

Avec M. Hollande, Les Français paieront les impôts de M. Arnault !

Les riches fuient, et les Français paient. Voila le programme improvisé à quelques jours d’écart par le PDG de LVMH, M. Arnault et le président de la République François Hollande.

La volonté de M. Arnault d'acquérir la double nationalité franco-belge a provoqué à juste titre un émoi chez les Français. En effet l’exil fiscal de l’homme le plus riche du pays donne toute sa mesure à l’injustice de la politique annoncée par M. Hollande.

Alors que la France s’enfonce dans la récession, M. Hollande ne trouve rien de mieux à faire que d’augmenter les impôts sur les classes moyennes de 10 milliards d’euros ! Pendant que chaque foyer français sera amené à contribuer davantage à l’effort national au-delà du soutenable, la fameuse taxe de 75% annoncée pendant la campagne révèle sa vacuité. Comme l’affirme Thomas Piketty, économiste pourtant proche du PS, une telle taxe se base sur une assiette totalement « trouée » : c’est à dire, en quelques mots simples, que les plus riches sauront l’éviter et ne paieront jamais !

M. Arnault,  première fortune de France et d'Europe,  se moque bien des difficultés de notre pays et des peuples européens. Après tout, la plupart de ses clients sont à l’abri du besoin… Il n'a d’autre souci que de placer ses 40 milliards d'euros loin du fisc Français. Ses "éclaircissements" sur sa volonté de payer tous ses impôts en France et d'acquérir la nationalité belge pour faciliter des projets d'investissements sont juste grotesques et mensongers. Pourquoi dans ce ca ne pas demander la nationalité de marchés bien plus prometteurs, comme la Chine ou le Brésil ?

Cet exil est d'autant plus choquant qu’il concerne le dirigeant d'un empire du luxe français. En effet M. Arnault a fait toute sa fortune sur la promotion et de savoir-faire des artisans et créateurs qu'il a su regrouper. Sans préjuger de ses talents de gestionnaire c’est bien la marque "France" et non les produits issus de la créativité de M. Arnault qui se vendent au Japon ou dans le Golfe! C’est un petit bout de France qu’une riche chinoise affiche à son bras, pas une relique de M. Arnault.

C’est donc une trahison ingrate, une nouvelle forfaiture d’une élite mondialisée qui pense ne rien devoir à personne tant le pouvoir politique est devenu faible. Ce sont les Français qui paieront la démagogie fiscale de M. Hollande pendant la campagne présidentielle, qui a fait sciemment une promesse qu’il saurait ne jamais tenir.

Le dumping fiscal n’est pourtant pas une fatalité mais bien un abandon de nos dirigeants. Il est possible de réaliser une révolution fiscale juste à condition que la France exige une coopération avec ses partenaires européens intraitables sur les exilés fiscaux et rétablisse le cas échéant ses frontières faute de réels progrès. 

lundi 23 juillet 2012

François Hollande au Vel D’Hiv : du passé, faisons table ouverte.



Fut un temps assez lointain où les intellectuels de gauche méprisaient le passé, ou plus précisément, n’y voyaient rien d’autre qu’une histoire de l’oppression, de la superstition, de la soumission. Bref, la cristallisation de tout ce qu’ils combattaient. Les quelques révolutionnaires sincères qui peuvent rester ici ou là chantent encore l’Internationale pour faire rimer la promesse d’un monde nouveau avec la fin du monde ancien : « du passé, faisons table rase ».
                                     
Fut un temps moins lointain où ce même passé était devenu un musée généreux dans lequel des petits bourgeois sociaux-démocrates pouvaient piocher à loisir les références anesthésiées qui leur plaisaient : la mystique jaurésienne ou le roman guevariste. Quelques très belles heures de grands combats historiques pour enchanter les manifestations étudiantes s’opposant à des sujets non moins glorieux, tels les 15 minutes de cours supplémentaires imposés par un quelconque « néofasciste » élu aux dernières législatives.

Voila maintenant le temps présent où le passé est tout ce qu’il reste du projet politique. Faire des excuses aux morts aux noms des assassins depuis longtemps disparus, c’est toute l’aventure moderne selon François Hollande. L’histoire nationale est devenu un banquet où n’importe quel homme politique en mal de hauts faits peut se vautrer. Non content d’inaugurer les chrysanthèmes, le Président de la République les distribue, et se permet d’associer la France et son histoire dans le don intéressé de son honneur.

Qu’un président n’ait plus rien à dire à la France sur son avenir n’est pas bien nouveau. Qu’il se réfugie dans des actes de bravoure toutes verbales est dès lors aussi compréhensible que regrettable.  D’autant plus que les électeurs qui pourraient s’en offusquer ont disparu. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard si Hollande tente désespérément de se mettre dans les pas de Chirac. Entre lâches, plus on se connait, et plus on s’apprécie. Cependant, le discours de Chirac de 1995 avait le mérite de s’appuyer sur les faits.

En ce 22 juillet, Hollande lui, se moquait bien des faits. Il voulait sa bravade, sa misérable gloriole marquée dans l’histoire. Salir en quelques mots la mémoire de toute une partie de la France, ce n’est pas cher payer pour briller aux prochains diners en ville. Car François Hollande ne fait pas dans la nuance. Rien n’est vraiment vrai en communication, tout est permis pour la morale. Hollande est un rigolo, l’homme des petites blagues, le « président des bisous ». Sarkozy était lamentablement vulgaire, Hollande est vulgairement lamentable.

Non ce n’est pas la France qui a raflé et assassiné plus de 13 000 Français et résidents juifs, c’est l’Etat Français. Ca ne pouvait pas être la France, car la France n’existait plus. La France état perdue, suspendue, divisée. De la même manière que ce n’est pas la France qui a résisté mais les Résistants,  ce n’est pas la France qui a collaboré mais les Collaborateurs. Si la gloire des uns ne peut effacer les crimes des autres, le pire des crimes ne peut ternir la moindre des gloires. Le Président n’avait donc pas le droit de sacrifier l’une des mémoires à l’autre.

Mais la lâcheté de Hollande est double. Non seulement il trahit l’Histoire de France, mais aussi ses tragédies les plus récentes. Voulant être le plus ardent ennemi de l’antisémitisme, il a voulu lier la Rafle du Vel D’hiv aux tragédies de Toulouse et de Montauban. Ou plutôt à la tragédie, car le président Hollande, honorant à juste titre la mémoire des français assassinés parce que juifs, a oublié –à nouveau- les adultes assassinés parce que militaires.
Les tueries de Toulouse et de Montauban n’étaient pas une réminiscence sordide du Vel d’Hiv M. Hollande. Ce n’était pas non plus un crime d’Etat, à moins que vous ayez d’autres confessions à nous faire. C’était le crime d’un Français contre d‘autres Français, et c’est bien à l’histoire, et non à vous, M. le Président, d’en identifier ses causes.

mercredi 9 mai 2012

. “It’s all about the Economy, but Obama is not stupid.



Un malheur ne venant jamais seul, la stupéfiante médiocrité de notre science politique lance un défi permanent à la langueur journalistique. J’aurais voulu relancer mon blog en parlant de l’élection française d’abord, de la situation en Grèce bien sûr. Mais l’actualité de la campagne électorale américaine permet un éclairage à mes yeux plus intéressant sur notre petite situation.

L’hystérèse intellectuelle est un fléau qui renvoie toute analyse politique brillante à son inévitable sénilité. Dans une société prospère, pacifiée par le progrès éducatif, social et économique, l’aspiration commune au consensus s’imposait comme une évidence. « Une élection se gagne au centre » disait l’autre ; il ne pouvait pas avoir complètement tort.

Pourtant, ce bon sens démocratique n’est plus qu’un credo qui tente en toute bonne foi de faire vivre une réalité déjà morte. En créant de nouveaux intérêts de classe contradictoires, la mondialisation libérale a brisé les sociétés occidentales en deux cercles qui se mêlent de moins en moins, et s’opposent de plus en plus. Le phénomène est très visible en France, ou de plus en plus de nos concitoyens s’excluent eux-mêmes des classes moyennes, se définissant, parfois contre les réalités économiques, parmi les précaires, comme un désir manqué de reconstituer un nouveau Tiers Etat. Au contraire aux Etats Unis, ce même déclassement conduit les citoyens à se constituer en groupes identitaires, en nouvelles communautés que la prospérité de la Grande Société avait considérablement diluées.

Le sentiment d’appartenance devient une revendication de clivage. Depuis Bush en 2000, une élection se gagne non plus au centre, mais en choisissant son centre, celui du cercle des valeurs des classes que l’on estime à même de remporter un scrutin majoritaire, si possible en ralliant dans son orbite quelques groupes isolés. Dès lors, les valeurs deviennent aussi déterminantes que la situation économique, et le bon mot de Clinton sur sa victoire sur Bush Senior, « It’s the economy, stupid ! », fut le chant du cygne du progressisme.

Alors que tous les commentateurs se focalisent sur la situation de l’emploi, et que Mitt Romney , en bon patricien errant entre le Country Club et la Chambre de commerce, semble prêt à jeter sur les bureaucrates ses prétentions entrepreneuriales Barack Obama démarre la campagne en annonçant qu’il soutient le mariage gay. Même si cet engagement est personnel, et que sa ligne politique demeure identique (les lois matrimoniales ne sont pas fédérales), le symbole est fort. Et clivant.

Si clivant que sa victoire serait mise en cause par cette excès de naïveté. La méthode est policée pourtant. Son engagement est présenté comme un cheminement personnel, sans doute sincère, préparé par des prises de position d’élus de premier plan comme le Vice-President Biden.

Obama aurait donc péché par bravoure et compassion, en ouvrant involontairement la campagne sur les valeurs après un mandat structurellement lié au redressement économique. Il n’en est rien, et le président sait pertinemment que si l’économie peut le faire perdre, seule une campagne sur les valeurs est en mesure de lui assurer une victoire.

En effet la Primaire républicaine a démontré à ceux qui en doutaient que rassembler au centre n’était pas suffisant. Si la capacité de rassemblement est essentielle pour être désigné (d’où l’échec des candidats hystériques), elle ne peut s’affranchir d’une affirmation culturelle tout aussi forte. Ne pas être capable de défendre sa classe de valeurs, par le clivage, empêche toute possibilité de rassemblement. A partir du moment où l’écrasante majorité d’un électorat cible est favorable au clivage que l’on doit porter, rassembler et cliver deviennent parfaitement complémentaires.

On oublie  à quel point Obama a été réticent à faire campagne sur l’économie en 2007. Alors qu’il est évident que c’est le traumatisme de la crise financière qui a permis de dépasser le vote culturel blanc pour lui donner la victoire finale. Il sait aussi que ce sont les valeurs qu’il incarnait qui a permis la mobilisation initiale de son camp. Si son bilan économique est bon au regard des circonstances il reste très difficile à défendre à l’aune du fort taux de chômage qui frappe ses électeurs. Son aura a par ailleurs été amoindrie par les réalités du pouvoir. Obama doit retrouver un moyen de mobiliser non pas seulement son camp politique mais les classes qu’il défend, ces classes intégrés à la mondialisation, urbaines, qui regardent HBO et True Blood. Or Rommey séduira autant ces classes moyennes avec son programme économique modéré qu’il les repoussera avec sa bigoterie. Cliver est donc un préalable pour Obama, surtout si on peut le faire avec humanisme et élégance ; avec un vrai-faux nouveau sujet, un sujet qu’il aurait muri en même temps que le reste d’une certaine Amérique. L’économie viendra bien assez tôt, et il vaudra mieux avoir sécurisé les états libéraux et galvaudé à nouveau des militants déçus.

Il n’y a d’ailleurs pas de hasard dans le calendrier du président américain. Le 8 mai 2012, la Caroline du Nord interdit le mariage gay. Le lendemain, Obama se découvre l’âme LGBT. A-t-il décidé de perdre la Caroline du Nord ? Peut être, mais Washington vaut bien le sacrifice possible de Charlotte.

En fait, Obama sait que la Caroline du Nord,  Etat sudiste qui a bouleversé son histoire en sa faveur en 2008, illustre parfaitement le combat à venir. La Caroline n’a jamais trouvé sa place réelle dans l’économie fordiste, et est devenu, depuis les années 1980 un refuge pour les industries qui fuient  les syndicats et partent à la recherche d’une main d’œuvre bon marché. Elle reproduit sur le sol américain le déclassement économique et social produit par la mondialisation. Ainsi, les couches populaires de Caroline ne sont pas coalisées en classes moyennes homogènes, unis par un sentiment d’appartenance sociale progressivement déterminé et organisé. Le progrès économique au ralenti n’est dès lors plus lié à un progrès social. Leur fierté se fonde sur leurs anciennes valeurs, des valeurs de petits blancs. Il y a dès lors un vote économique, il y a un vote culturel. Obama sait déjà qu’il a perdu le vote culturel, mais en clivant dès aujourd’hui, il laisse à ces militants le temps de récupérer, peut être, le vote économique.

mercredi 25 août 2010

La cotillardisation de la société française

Cette pauvre Marion Cotillard va payer de son nom pour tous les imposteurs qui nous gouvernent !

Avis aux lecteurs : ce billet n'est pas tout-à-fait comme les autres. A l'inverse de mes précédents articles, qui s'attachaient à décrire (à détruire) des phénomènes particuliers, celui-ci a pour objectif de dénoncer de façon générale et catégorique la situation qu'une grande majorité de Français ressent mais ne sait pas définir, faute d'avoir à sa disposition les concepts nécessaires : cette situation que j'appelle la "cotillardisation" des élites françaises, c'est-à-dire le déclin vertigineux de la créativité que l'on retrouve au sommet des milieux culturel, économique, médiatique et bien évidemment politique. Cet article est donc l'occasion pour moi de préciser ce qui jusqu'ici pouvait être pressenti, à savoir, la ligne directrice de ce blog.

Marion Cotillard me paraît le symbole parfait de la crise que traverse notre pays : une crise sournoise qu'on ne perçoit pas très bien.

On ne peut pas dire que Marion Cotillard est une actrice épouvantable - pour s'en persuader, il suffit de revisionner quelques épisodes de La Bicyclette bleue avec Laetitia Casta, qui est un bon exemple d'actrice épouvantable. Marion Cotillard n'est pas une actrice épouvantable, mais elle est une actrice médiocre. Elle n'est pas une très bonne interprète, puisqu'elle transparaît dans la plupart de ses interprétations, à l'exception notable de son rôle d'Edith Piaf dans La Môme d'Olivier Dahan - où Marion Cotillard est maquillée à un point tel qu'on ne peut pas la reconnaître.

Marion Cotillard est plutôt mignonne, mais elle n'est pas particulièrement séduisante. On ne tombe pas amoureux de Marion Cotillard. On n'est pas bouleversé par Marion Cotillard. La plupart du temps on est même indifférent à Marion Cotillard...

Marion Cotillard est niaise : au moment où l'académie des Oscars la récompensait de sa plus haute distinction, Marion Cotillard s'est fendue d'un discours improvisé qu'elle n'aurait jamais prononcé si un instituteur bienveillant lui avait enseigné dès l'école la signification du mot "ridicule". "Thank you New York, thank you Love... some angels above this city"... On croirait du Marc Levy. Marion Cotillard croit aux théories du complot. Elle pense que les attentats du 11 septembre ont été commandés par George W. Bush, et que les autorités françaises ont menti sur la mort de Coluche. Elle n'est pas seule à le penser : Jean-Marie Bigard ne dit pas autre chose. Elle est passionnée de complots, à tel point qu'elle occupe son temps libre en militant pour l'association Greenpeace.

Bref, Marion Cotillard n'est précisément pas quelqu'un de remarquable. Personne n'est ébloui par les contributions de Marion Cotillard à la dramaturgie.

Et pourtant... Marion Cotillard est l'actrice française qui, en ce moment, réussit le mieux. Les Américains l'ont couronnée : elle a remporté l'Oscar de la meilleure actrice, elle est à la tête du blokcbuster de Christopher Nolan Inception, on risque de la voir apparaître souvent sur les écrans de cinéma ces prochaines années - par exemple à l'affiche du film Contagion de Steven Soderbergh. Elle remporte de précieux contrats publicitaires - elle est devenue l'icône de la marque de luxe Dior, en équivalent féminin de Jude Law. Bref, elle est incontournable.

Ceci ne paraît pas équitable. Il fut un temps où les grandes actrices françaises se nommaient : Arletty, Danielle Darrieux, Jeanne Moreau, ou Catherine Deneuve. Quand Catherine Deneuve tournait dans une publicité pour Yves Saint-Laurent, il y a de cela une quinzaine d'années, voici ce que cela donnait... A cette époque, tout porte à croire que les comédiennes ne jouait pas exactement dans la même cour - de [ré]création.

Quels sont les facteurs qui permettent d'expliquer l'incroyable succès d'une actrice pourtant réputée médiocre ? Il est difficile de les déterminer précisément, mais ils semblent comparables, si ce n'est identiques, aux facteurs qui permettent d'expliquer les réussites éditoriales d'écrivains réputés médiocres (Marc Levy, Anna Gavalda, Katherine Pancol, Guillaume Musso, Amélie Nothomb deux coups sur quatre, Frédéric Beigbeider trois coups sur quatre, François Bégaudeau quatre coups sur quatre), les carrières époustouflantes de politiciens réputés médiocres (Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal, François Bayrou, et tout le reste), la présence médiatique d'intellectuels réputés médiocres (Bernard-Henri Levy, Bernard-Henri Levy, Bernard-Henri Levy, etc.), la célébrité de vedettes dénuées de toute capacité de séduction (Benjamin Castaldi, Massimo Gargia, Michael Vendetta, oh et puis, prenez tout le casting des télés réalités people de TF1), les fortunes de joueurs de football que plus personne ne respecte (Nicolas Anelka, Franck Ribéry, Patrice Evra, etc.), etc., etc., etc.

Notre société est dépourvue de modèles auxquels elle pourrait consentir à s'identifier. Ou bien elle les récupère dans les vitrines du passé (de Gaulle, Hugo, Voltaire, Napoléon, Jaurès), ou bien elle se contente des modèles préfabriqués que l'économie numérique produit à grande échelle, et qui pourtant n'inspirent personne.

Il ne serait pas très difficile de qualifier ce constat de "réactionnaire". Pourtant, je ne doute pas qu'il s'agisse d'un constat partagé par un grand nombre de mes compatriotes dont je sais qu'ils n'aimeraient pas qu'on les qualifie de "réactionnaires". C'est un constat froid, triste, amer. Les gens qui nous gouvernent sont incapables de nous faire rêver. Même quand il s'agit, précisément du rôle qu'ils sont censés interpréter. La thématique du rêve est au coeur du scénario d'Inception, et Marion Cotillard ne convainc pas. Nos élites ne sont pas convaincantes. Nous ne les croyons plus, nous ne les aimons plus, et c'est à peine si nous les tolérons encore.

Les récents événements de l'actualité médiatique tendent à faire croire en un retournement de l'opinion publique : les Français, peu à peu, se tirent de la léthargie dépressive dans laquelle ils marinaient encore, et comment à s'animer. Ils s'emportent contre les déclarations ineptes du président de la République. Ils s'insurgent contre l'attitude de l'équipe de France de football lors du mondial sud-africain. Ils se révoltent contre les institutions bancaires qui n'ont corrigé aucun des dysfonctionnements ayant permis le déclenchement de la crise financière. Ils dénoncent le bouclier fiscal du programme sarkozyste, et l'annonce de la suppression des APL. Et mieux encore, ils rient, ils se moquent, ils tournent en caricature les grotesques personnages que nous impose la scène médiatique française, ces pseudo-Bisounours qui passent le plus clair de leur temps à mijoter des complots ridicules, ou à dénoncer leurs adversaires (simili-PetitPoney) en les traitant de fascistes pour nourrir les buzz continus du site jeanmarcmorandini.com.

Contre la cotillardisation de la société française, la guillotine est en place pour décapiter l'oligarchie des impostures !







dimanche 22 août 2010

Lingua Latina Delenda est ?

La France ose encore débattre de culture. Si cette particularité tourne parfois à l’autosatisfaction, voire à un passéisme nombriliste qui stérilise toute créativité, elle n’en demeure pas moins la rare preuve d’exigence qui permet encore à certain Européens de défendre l’idée de civilisation. Cependant, le respect qu’à la France pour la culture la conduit trop souvent au conservatisme et aux combats d’arrière garde qui aveuglent sur les perspectives de leurs positions nombre d’intellectuels et d’érudits pourtant très bien intentionnés.

Ces dernières semaines, une polémique malheureusement trop discrète anime l’Education nationale. La réforme du concours du CAPES de lettre classique réduira drastiquement le niveau de compétence des futurs certifiés en latin, grec ancien et culture classique en fondant ces trois épreuves distinctes en une seule. Le jury a courageusement démissionné, et publié une tribune qui exprime très brillamment leur position. Bien entendu, le problème n’est pas vraiment dans la réforme de ce concours, mais bien dans la place que latin, grec, et culture classique doivent occuper à l’école, et plus généralement dans notre société.

Il me semble que dans cette affaire, tout le monde se fourvoie. En effet le jury a raison de protester contre cette réforme qui cherche à détruire l’enseignement de la culture classique en catimini, ce qui est tout simplement honteux. Cependant, il a tort, profondément tort, de continuer à vouloir imposer le latin et le grec comme un enseignement fondamental et basique.

Non le latin, et a fortiori le grec, n’ont plus leur place au collège, depuis longtemps. L’école française est extrêmement ambitieuse et généreuse, c’est tout à son honneur. Mais elle a demandé et demande trop aux élèves. Les programmes français veulent tout embrasser, tout apporter au plus grand nombre, et échoue dans les faits à transmettre à la majorité des enfants les bases indispensables à une telle ambition. La conséquence est bien connue : pour un budget colossal, le niveau moyen des élèves est certes bon, mais en deca des objectifs assignés. Surtout, beaucoup trop d’élèves sortent sans qualification, ayant échoué à maitriser la langue française et les méthodes de travail essentielles. En revanche, les élites scolaires, celles qui ont été capables de jouir pleinement des ambitions généreuses de l’école ont un niveau exceptionnel de culture général –bien que malheureusement, la culture générale, fierté latine, ne soit reconnue par aucun classement international, arme saxonne…

Bien entendu, il y a plusieurs explications à ce décalage dramatique entre l’ambition républicaine légitime et les résultats obtenus. Mais la surcharge des programmes en fait partie. Déjà, les élèves qui choisissent le latin et le grec doivent avoir cours à des horaires iniques, au déjeuner ou tard le soir. Il ne s'agit pas seulement d'une manipulation cruelle du rectorat pour réduire les vocations –ca l’est parfois certes- mais souvent qu’il n’y a tout simplement plus d’autres horaires disponibles !

Le collège unique, qui réunit presque tous les jeunes Français doit être le lieu de l’apprentissage des savoirs basiques et fondamentaux. L’élève moyen n’a tout simplement plus le temps, et je suis désolé d’insister sur cette triviale simplicité, d’apprendre une langue morte dont la connaissance fait désormais partie de l’érudition, non pas du bagage ordinaire de l'honnête collégien. Dans la tribune dont je parlais initialement, les promoteurs du latin –et je ne parle pas du Grec ancien- peinent d’ailleurs à trouver des arguments en leur faveur : connaitre l’étymologie d’un mot dans les différentes langues européennes ? Encore faudrait-il d’abord les maitriser ! Savoir pourquoi on emploie un Alpha dans une formule mathématique ? De qui se moque-ton ?

Reste la connaissance de la culture classique. Sauf qu’aucun élève n’étudie la culture classique au collège, tout au mieux a-t-on un ou deux cours de mythologie et de civilisation. Une fois encore la raison en est fort simple : les enseignants n’ont pas le temps de faire apprendre une langue au demeurant extrêmement compliquée –car elle demande de connaitre avant parfaitement la grammaire, or en 5eme…- qui ne laisse aucun temps aux « loisirs » mythologiques. J’ai moi-même fait 9années de latin, et j’en suis très heureux au final, mais le temps passé à étudier la culture classique a représenté une partie néglgeable des cours. Par ailleurs, les textes classiques sont d’un abord difficile et nécessitent déjà de bonnes connaissances historiques. Mieux vaut donc renforcer une première approche de la culture classique à travers l’histoire, le français mais aussi les sciences, la musique, le sport et les arts plastiques qu’il faut extraordinairement renforcer au collège.

La place du latin –le grec est renvoyé aux calendes universitaires- est donc bien au lycée, dans un cursus adressé à des élèves qui auront les moyens de bien profiter d’une précieuse culture classique.

Bien entendu, moins d’élèves auront, au cours de leur cursus fait du Latin. Mais je défends volontairement une approche qualitative. La systématisation du saupoudrage depuis quarante ans n’a eu d’autre effet que de noyer les élèves dans un magma indéchiffrable. Aujourd’hui, il y a plus d’élèves qui suivent des cours creux de latin au collège que de vrais latinistes, et l’essentiel de l’effectif se contente de réciter par cœur des textes prémâchés par leurs professeurs le jour du bac ; cela n’a aucun sens. Le latin, comme toute connaissance, n’a d’utilité que si on atteint un certain pallier en dessous duquel ce n’est que du temps perdu. Gâcher des heures de travail pour, au sortir de sa scolarité, vaguement se souvenir de la première déclinaison n’a aucun intérêt.

A la lecture de ce billet, vous pourrez vous étonner de mon propos de départ, qui semblait soutenir le jury démissionnaire. Pourtant, cela s’avère la conclusion de mon raisonnement qualitatif. S’il ne sert à rien qu’un gamin de 12 ans perde son temps à réciter « rosa rosa rosam », il est absolument indispensable que son professeur de Français lui, le sache ! Il faut cesser urgemment la politique délétère qui consiste à systématiquement abaisser le niveau d’exigence universitaire. Si le collège doit être le lieu d’un enseignement rigoureux mais raisonnable, l’université doit redevenir un lieu d’excellence, et les professeurs des représentants de cette formation d’excellence. Commenter une page de manuel scolaire, ou réciter la catéchèse du bon fonctionnaire, soient les deux nouvelles épreuves qui remplaceront le Grec et le commentaire d’œuvre classique, sont tout bonnement pathétiques.

Défendre le latin donc, mais en lui redonnant une vraie place au bon moment, non en cherchant à préserver un modèle qui d’année en année révèle son absurdité, quitte à emporter toute la culture classique dans sa chute.
Qui trop embrasse mal étreint.

vendredi 13 août 2010

Sondages et manipulations


"L'opinion publique n'existe pas", disait déjà Pierre Bourdieu dans un brillant article paru dans Les Temps modernes en 1973, dont je vous recommande la lecture - je prête mon édition des Questions de sociologie à qui veut. Le sociologue y dénonçait comme autant d'impostures les trois hypothèses fondamentales sur lesquelles s'appuient, de façon générale et pour obtenir leurs résultats, les sondages d'opinion - à savoir :
1. tout le monde peut avoir une opinion,
2. toutes les opinions se valent,
3. il y a toujours un accord sur les questions qui méritent d'être posées.

Il n'est pas nécessaire de creuser profond dans l'humus ratissé des enquêtes de terrain pour se convaincre du fait que la plupart de nos concitoyens sont sans opinion sur un grand nombre de questions - en particulier celles qui ne les concernent pas directement en tant qu'individus ou membres d'un groupe social déterminé - qu'un militant politique, qu'un expert politique et qu'un simple électeur émettent des opinions qui ne sont pas conditionnées par des facteurs équivalents, et qu'enfin, la hiérarchie des problèmes politiques varie nécessairement en fonction du groupe social considéré.

Et Bourdieu d'ajouter que toutes ces considérations font sens dès lors qu'on prend la peine d'observer le phénomène suivant : "les problématiques qui sont proposées par les sondages d'opinion sont subordonnées à des intérêts politiques, et cela commande très fortement à la fois la signification des réponses et la signification qui est donnée à la publication des résultats. Le sondage d'opinion est, dans l'état actuel, un instrument d'action politique ; (...) l'opinion publique est un artefact pur et simple dont la fonction est de dissimuler que l'état de l'opinion à un moment donné du temps est un système de forces, de tensions, et qu'il n'est rien de plus inadéquat pour représenter l'état de l'opinion qu'un pourcentage".

Le récent sondage IFOP et publié par Le Figaro le 6 août dernier sous l'intitulé : "les annonces de la majorité plébiscitées", aurait offert un objet d'études magnifique à l'ancien titulaire de la chaire de sociologie au Collège de France.

Ce sondage a surpris tout le monde, et pour cause. Alors que depuis quelques semaines, Facebook et tous les blogs nous annoncent qu'ils redoutent la réintroduction prochaine du bagne et des chambres à gaz, qu'une écrasante majorité de journalistes hurlent à l'indécence et que la cote du président de la République se maintient à un taux dramatiquement bas, La Pravd.. pardon Le Figaro nous annonce que les Français sont très majoritairement d'accord avec les dernières mesures sécuritaires annoncées par Nicolas Sarkozy, en s'appuyant sur un sondage administré sur Internet par la société de Madame Parisot. "Et toc ! Un beau pied de nez à ces sales bobos de gauche !", devait-on s'écrier dans les couloirs de la rédaction.

Depuis, de nombreux articles ont été publiés pour démontrer que ce sondage n'avait rien de sérieux. Ces articles ont notamment souligné les faits suivants :
- pour des raisons liées à des critères de représentativité, normalement, on ne fait pas paraître de sondages au moment des grandes vacances, puisque de très nombreux enquêtés sont injoignables durant cette période. A moins d'aller bronzer sur des plages couvertes par un réseau Wifi..
- il s'agit d'un sondage administré sur internet. Or les sondages administrés sur internet sont réputés pour être moins fiables que ceux administrés par téléphone, pour ce que l'enquêté aura tendance à survoler les questions qu'on lui soumet, tandis que les erreurs de clics sont plus fréquentes que les lapsus,
- la catégorie des "sans opinion" n'est pas prise en compte. Or, imaginons la chose suivante : sur 1000 personnes, 900 ne répondent pas parce qu'ils ne voient pas ce qu'ils pourraient répondre à la question qui leur est posée, 80 répondent oui, 20 répondent non. Donc ça donne : 80% des Français sont d'accord avec Nicolas Sarkozy ! En l'occurrence, je ne sais pas si les sondés ont tous répondu quelque chose, ou s'il y a des sondés qui n'ont rien répondu et qui n'ont pas été pris en compte. Je ne le sais pas puisque dans sa partie "méthodologie" la feuille de résultats produite par l'IFOP ne le précise pas.
- enfin, et c'est sûrement le plus consternant, les questions sont particulièrement mal posées.

La phrase d'introduction du sondage, déjà, pose un certain nombre de problèmes. Voici ce qu'elle nous dit : "Le gouvernement français a annoncé différentes mesures pour lutter contre l'insécurité. Pour chacune de ces mesures, dites-nous si vous êtes très favorables, plutôt favorables, plutôt opposés ou très opposés".
* 1ère remarque : et si je m'en cogne de la mesure en question ? Si j'estime que cette mesure n'est pas intéressante ? Si je crois qu'elle n'aura aucun effet efficace dès lors qu'il s'agit de "lutter contre l'insécurité" ? Je réponds quoi ? Et bien je suis coincé je dois répondre quand même. On en vient au constat de Pierre Bourdieu : d'après les instituts de sondage, tout le monde est tenu d'avoir un avis. Et un avis tranché. C'est oui ou non. Point. Sinon tant pis pour vous, vous n'apparaîtrez pas dans le sondage. Non mais. "Sans opinion", "vote blanc" : attitudes de lâches ! Raisonnez binaire amis citoyens !
* 2e remarque : on nous parle de mesures "pour lutter contre l'insécurité". Cette formulation introduit déjà un biais, que j'avais sous-entendu dans ma 1ère remarque : on présuppose que chacune de ces mesures a nécessairement un effet efficace sur l'insécurité. Or, est-ce vraiment le cas ? Le fait de retirer sa nationalité à un hystérique polygame qui pratique l'excision va t-il provoquer un effondrement imminent et conséquent du trafic de stupéfiants dans les collèges de Seine-St-Denis ? Il est très douteux que les mesures annoncées par Nicolas Sarkozy auront un effet efficace pour lutter contre l'insécurité, mais qu'à cela ne tienne, pour l'IFOP, cette mesure fait partie du paquet "INSECURITE", donc elle a comme-de-bien-entendu un effet sur l'insécurité.
*3e remarque : le décor étant planté, le sondé est mis en condition. Il sait qu'on va l'interroger sur des sujets graves, puisqu'on lui parle de mesures qui vise à lutter contre l'insécurité. On ne lui demande pas s'il pense que l'action du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité est ou non efficace. On lui demande s'il est d'accord avec des mesures qui visent à faire baisser la délinquance. Et la taille du biais s'élargit...

Elle s'élargit et croit de façon vertigineuse lorsqu'on lit la liste des mesures qui font toutes partie d'un même "paquet insécurité".

1. "le contrôle par bracelet électronique des délinquants multirécidivistes pendant plusieurs années après la fin de leur peine". 89% des gens sont d'accord. Evidemment. On nous parle de déliquants "MULTIRECIDIVISTES", donc des sales cons, pendant plusieurs années (on ne sait pas combien...), qui vont devoir porter un petit bracelet. Bon si ça peut aider la police pour lutter contre l'insécurité, moi je dis oui, ça n'a pas l'air bien méchant. Et TOC ! C'est ce qu'on appelle de la création artificielle de sarkozystes à moindre frais !

2. "le retrait de la nationalité française aux ressortissants d'origine étrangère coupables de polygamie ou d'incitation à l'excision" : plus subtil. Enfin... qu'est ce qu'un "ressortissant d'origine étrangère" ? Est-ce la même chose qu'une "personne d'origine étrangère" ? Qu'un "Français naturalisé" ? On ne sait pas. Personnellement, je n'aurais pas répondu à cette question, parce qu'elle ne veut rien dire. Mais toujours est-il qu'on nous parle ici de quelqu'un de "coupable". Donc encore un sale con. Bon lui retirer sa nationalité à ce type qui vient de l'étranger (depuis combien de temps ? avec ou sans ses parents ?... on ne saura pas) c'est quand même la moindre des choses. L'excision est une barbarie et la polygamie est inacceptable. Un coupable doit être puni. Et TOC ! Un nouveau sarkozyste !

3. "l'instauration d'une peine incompressible de 30 ans de prison pour les assassins de policiers et de gendarmes" : la place d'un "assassin" est en prison ! C'est affreux un assassin, c'est méchant et calculateur. Et ça s'en prend aux policiers et aux gendarmes qui sont les garants de l'ordre public. 30 ans c'est une peine juste pour des assassins. On ne va pas laisser des assassins en liberté. Allez, ok, je signe pour. Et TOC ! Un nouveau sarkozyste créé à partir d'une question en apparence anodine mais formulée sans tenir compte aucun du principe de "présomption d'innocence" - peut-être d'ailleurs que ce principe ne vaut plus, à en croire Brice Hortefeux et Nicolas Sarkozy qui ont fait de Liès Hebbadj un "présumé coupable" et des prévenus dans l'affaire Clearstream des "coupables" tout court.

4. "le démantèlement des camps illégaux de Roms" : question grotesque, qui revient à demander la chose suivante : "êtes-vous d'accord pour qu'on applique une loi qui existe déjà ?" puisqu'on nous parle de camps illégaux. 79% de oui. What a surprise. Enfin... la vraie surprise c'est qu'il n'y ait pas 100% de oui !

5. "le retrait de la nationalité française pour les délinquants d'origine étrangère en cas d'atteinte à la vie d'un policier ou d'un gendarme" : cette proposition emporte nettement moins d'adhésion. 70%. Ce chiffre est encore très important, mais cette question, ainsi qu'elle est formulée, ressemble à s'y méprendre à une synthèse entre les questions 2 et 3 : entre temps, les "ressortissants" sont devenus des "délinquants", ce qui est toujours moins effrayant que des "assassins". Bref, supposons que j'ai déjà répondu que j'étais favorable aux propositions 2 et 3. Si je reste cohérent, je suis également favorable à la proposition 5. Et même remarque que pour la question 2 : qu'est-ce que c'est que ça un "délinquant d'origine étrangère" ? J'ai une arrière grand-mère espagnole, si je vole un café à la cantoche de mon université, est-ce que je suis un délinquant d'origine étrangère ? Que Nicolas Sarkozy raconte n'importe quoi à la télévision est consternant, que l'IFOP reprenne telles quelles les formulations hasardeuses du président de la République est deux fois plus consternant . Je n'ose imaginer ce que cela aurait pu donner si Ségolène Royale avait été élue... "Dans la vie, faites-vous souvent preuve de bravitude ?", "Pensez-vous que les femmes travaillant pour la Police nationale doivent être raccompagnées chez elles tous les soirs par un homme de leur commissariat ?", "Souhaitez-vous que Nicolas Sarkozy écrive une lettre d'excuses digne de son nom à José Luis Zapatero pour avoir dit de lui, pendant la récréation, qu'il était con ?", etc.

6. "la mise en place de 60 000 caméras de vidéo de surveillance d'ici à 2012" : personnellement, avant ce sondage, je n'avais pas entendu parler de cette proposition. 60 000 caméras soit, mais réparties de quelle façon ? Filmant pendant combien de temps ? Cette proposition ne m'évoque pas grand-chose, mais j'imagine qu'elle vise elle aussi à "lutter contre l'insécurité", donc pourquoi pas. Et TOC je retombe dans le panneau.

7. "la condamnation à deux ans de prison pour les parents de mineurs délinquants en cas de non respect par ces derniers des injonctions de la justice (interdiction de fréquenter certains lieux ou personnes suite à leur condamnation" : question alambiquée, qui n'a recueilli que 55% de l'approbation des sondés. Evidemment, puisque c'est la plus choquante. Reste qu'une majorité de Français y seraient favorables, d'après l'IFOP. Changeons "prison" par "prison ferme", enlevons "délinquants" et "injonctions", et je parie que ce chiffre s'effondre encore un peu plus...

Bref, mal introduit, mal conçu, biaisé, le questionnaire de l'IFOP paru en plein été quelques jours à peine après les déclarations polémiques de Nicolas Sarkozy n'a pas d'autre intérêt, pour Le Figaro, que de servir d'arme de seconde main dans une guerre des sondages où la cote de popularité du président de la République est à l'étiage depuis près d'un an.

Il aurait été amusant que les rédacteurs de l'IFOP ajoutent une dernière proposition, formulée de la sorte : "pensez-vous que les mesures que nous avons évoquées seront efficaces pour réduire de façon significative l'insécurité". Par intuition, j'imagine qu'une majorité très importante se serait prononcée de façon négative. Ce qui serait la preuve qu'un sondage n'est pas un objet scientifique d'observation politique, mais bel et bien un instrument de pouvoir aux mains des médias pour tenter de faire croire à l'existence d'une opinion publique qu'ils créent de toutes pièces.